AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Perlaa


Il est des romans passés sous les radars de l'actualité dont la lecture vous secoue durablement. Comme si j'étais seul est l'un de ceux-là.
La guerre en ex-Yougoslavie n'est plus qu'un vague souvenir pour beaucoup et le sujet n'intéresse plus les télés qu'aux heures creuses de la nuit sur des chaines confidentielles. J'ai lu et vu nombre de documentaires, de livres d'histoire, de mémoires sur le sujet mais je n'avais pas encore lu un roman si proche du terrain et dont le ressenti pouvait sonner si juste.
Parti pris est de donner à tour de rôle la parole à trois personnages : deux acteurs du conflit et un juge du TPI.
Dražen le soldat croate enrôlé dans l'armée serbe va participer au massacre de Srebrenica, Dirk, personnage de fiction, faisait partie du contingent des Casques bleus hollandais travaillant sous mandat de l'ONU.
Le titre si bien choisi Comme si j'étais seul rend compte du désarroi des témoins enrôlés malgré eux dans ce tourment. Ils n'avaient pas choisi ce destin. le « Yougoslave », comme il se définit, est essentiellement soucieux du bien-être de sa famille, le Hollandais, à la dérive dans « cette région de merde », « ce coin oublié de Dieu » qu'est la Bosnie en 1995 est frustré par son impuissance. Tirer serait prendre parti dans le conflit. Il est là pour faire respecter la résolution 836 de l'ONU. Triste farce.
Jusqu'à ces jours poisseux de juillet 1995 où à Potočari, proche de Srebrenica, les Casques bleus sépareront, sous le regard des Serbes, les hommes des femmes et les feront monter dans des bus. Quelques kilomètres plus loin les Serbes extermineront 6 à 8000 hommes musulmans jeunes et vieux compris. Dražen, sera à son corps défendant l'un des assassins. Il sera le seul à répondre de ses actes au TPI et plaidera coupable.
L'intelligence du jeune auteur est d'avoir introduit le juge Romeo Gonzales, un juge espagnol mal à l'aise, effacé et en fin de carrière. Il n'a rien à gagner ici et va porter sur le TPI de la Haye mais aussi sur ses collègues un regard sans concession. Plus intéressant encore sa condamnation de l'accusé Dražen sur des motifs qu'il reconnaîtra futiles. On a jugé un lampiste. Les vrais coupables n'étaient pas sur le banc des accusés lors du procès de Dražen Erdemović.
Il est difficile de démêler la part du vrai et de la création romanesque dans ce roman. Dražen, personnage réel, n'était pas un psychopathe assoiffé de sang comme pouvaient l'être d'autres personnages du roman, le Hollandais fictif a certainement un double quelque part qui doit aujourd'hui vivre avec le souvenir de la terrible complicité de son régiment.
On a l'impression d'un terrible gâchis des belligérants eux-mêmes et de la communauté internationale. «Communauté internationale ? Il n'avait pas fallu longtemps à Romeo Gonzalez pour comprendre que lorsqu'une chose est supposée intéresser tout le monde, elle finit par ne plus intéresser personne. »
Retour réussi sur une guerre absurde. Un roman peu connu en France mais qui s'est vu discerner plusieurs prix mérités en Italie.

Commenter  J’apprécie          133



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}