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Critique de Emnia


L'exposition « le Troisième Oeil » (« The Perfect Medium » en anglais), centrée sur la capture photographique de phénomènes dits occultes des années 1870 au milieu du XXe siècle environ, s'est tenue en 2004-2005, d'abord à la Maison européenne de la Photographie à Paris puis au Metropolitan Museum of Art à New York. le catalogue publié en France par Gallimard étant épuisé, j'ai dû l'aborder dans sa version anglaise éditée par les presses de l'université de Yale. le propos y est organisé en trois parties : la première s'intéresse aux photographies spirites, la seconde aux photographies de phénomènes médiumniques et la dernière aux photographies de médiums, principalement lors de séances où étaient pratiquées la lévitation ainsi que la matérialisation d'ectoplasmes.


La perspective adoptée est historique. Chaque bref chapitre s'attarde sur une figure de photographe spirite ou de médium qui occupa un temps le devant de la scène, ainsi que sur les enthousiasmes, rejets et controverses que sa pratique suscita au sein des milieux scientifiques et occultistes. Même si l'objet du livre n'est pas de démystifier, force est de constater que parmi les personnes citées beaucoup furent démasquées comme étant des imposteurs. Pour les autres, la sceptique que je suis peine à s'ôter de la tête l'idée que l'inexplicable est simplement momentanément inexpliqué, et que les faussaires ne se font pas toujours prendre. L'imposition par les médiums de conditions d'observation très restrictives, le fait que fréquemment les séances devaient avoir lieu dans le noir ou la pénombre et les photographies être prises seulement à leur signal (empêchant de fait qu'ils ne soient scrutés de trop près), en a probablement aidé quelques-uns à passer entre les mailles du filet. Mais le propos demeure ici quoi qu'il arrive factuel et laisse à dessein d'agaçantes zones d'ombre où il en subsiste.


Le développement de la photographie au XIXe va permettre une exploration et une documentation nouvelles de l'univers occulte. Des techniques voient le jour, comme la double exposition, employée tantôt frauduleusement, tantôt au grand jour, et qui permet de saisir des images de spectres présentées comme réels dans le premier cas et comme fictifs et à visée divertissante dans le second. le medium photographique va autoriser des approches inédites comme la capture des fluides ou celle de pensées dans une sous-discipline baptisée en anglais thoughtography. C'est l'évolution du rapport à l'occulte qui est décryptée ici à une époque charnière où les idées fourmillent, où le champ des possibles s'étend grâce à de nouvelles découvertes révolutionnaires comme les rayons X, et où de vifs et nombreux débats, se terminant parfois devant les tribunaux, opposent croyants et sceptiques. Sont évoqués à la fois les protocoles scientifiques qui s'affinent et se durcissent et les interprétations faussées et hâtives des phénomènes, les raisonnements biaisés et, entre les lignes, le fait qu'en fin compte et en dépit des preuves on voit souvent ce qu'on choisit de voir.


Au-delà de cet aspect historique, passionnant, il m'est difficile de ne pas être attirée, peut-être même avant tout, par les qualités esthétiques des clichés rassemblés. le volet français de l'exposition en comptait 250. Peu importe finalement que le médium ou le photographe affabule et triche, parfois ou bien toujours, que les trucages soient d'une évidence comique pour un spectateur d'aujourd'hui, ou qu'un scientifique soit en mesure de produire des images identiques à celles de médiums par des procédés excluant toute intervention surnaturelle, quand ce qu'il demeure de ces pratiques sont des images telles que celles présentées dans ces pages. Considérées hors contexte, bon nombre d'entre elles pourraient trouver leur place dans un musée d'art parmi des oeuvres surréalistes.

(critique complète et illustrée sur le blog)
Lien : https://mahautdavenel.wordpr..
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