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Critique de le_Bison


Il y a déjà quelque temps j'ai pris le temps de parcourir la Sibérie. Prendre son temps, parler du temps. Avec un autochtone, en chapka. Ou seul, enseveli sous une neige vierge. Prendre des détours, dans la vie, se perdre, dans la Sibérie. Mais pas comme un Sylvain Tesson dans le silence d'une cabane avec bouteilles de vodka. Plutôt comme un Andreï Makine dans le silence de la taïga, avec bouteilles de vodka. le temps aboli.

Indissociables, d'ailleurs, la vodka, la Sibérie et le silence. C'est une histoire de décantation, mais ça tu ne peux pas comprendre. le silence a besoin de décanter comme la vodka. Les silences sont lourds à porter, les amas de neige aussi. le silence s'abolit devant son étendue.

A travers mes lunettes embuées par le froid sibérien et par la chaleur d'une vodka, je croise le regard clair de Pavel, accompagné des autres Ratinsky, Vassine, Louskass, Boutov. Des noms bien russes. Eux-aussi parcourent la désertitude de ces lieux. Désertitude, ça me plait bien comme mot, façon d'accentuer la solitude de certaines vies désertes. Suivre les ordres. Au pays du léninisme, du stalinisme, du communisme, les ordres font office de vie même en pleine Sibérie. Un écart et hop au goulag ! En Sibérie, bien sûr, c'est là que le goulag est le meilleur. Effectivement vu de cet oeil dont une larme jaillit par ce froid piquant, cela ne change pas beaucoup, goulag ou pas, la Sibérie reste la Sibérie, les rations sont les mêmes, pas la vodka par contre. Donc vaut mieux être gardien que prisonnier. Cette petite troupe est d'ailleurs à la poursuite d'un « évadé ». Dangereux opposant politique ou simple prisonnier de la taïga ?

Une longue, très longue, très enneigée même, course poursuite, à suivre les traces de l'un et des autres, à sentir les odeurs, de mirer l'horizon à travers les jumelles du gouvernement, à chier dans un trou de neige, à boire des flasques glissées sous le manteau. Une lente, très lente chasse à l'homme. Bref, l'aventure de ces hommes s'éternise sur des jours, des semaines, des kilomètres. Mais après tout, en Sibérie cela peut occuper toute une vie, tant qu'il y a moyen de se ravitailler en vodka, tant que le silence envahit ma vie.

J'aime quand un roman prend son temps, le temps il ne reste que ça dans la vie, dans ma désertitude. J'aime quand à chaque chapitre, un auteur me donne envie de prendre un shot de vodka pour réchauffer le bout de mes doigts majeurs afin de tourner les pages encore non congelées d'une belle histoire froide. J'aime quand je peux citer « la décantation suprême du silence et de la lumière. » Je ne me remettrai jamais de cette phrase comme de certains silences. J'ai envie de me la répéter à chaque fois que j'ai fini mon verre ou qu'un frisson me fasse dresser quelques poils, la décantation suprême du silence et de la lumière. Me dire que je n'ai pas rêvé cette phrase, fantasmé cette histoire. L'ai-je réellement lu, l'ai-je vraiment vécu ?
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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