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Critique de berni_29


Qaanaaq ? Un thriller tropical ? Non, pas kanak. S'il vous plait, veuillez prononcer « Hranaak » !
Qu'est-ce qui différencie un polar d'un autre dans cette masse noire, sombre, sanguinolente et glauque où chaque livre cherche à se frayer un chemin vers la lumière et la gloire ? Thrillers psychologiques pour les uns, récits gores pour les autres, on les lit, on les oublie, on voudrait s'en souvenir que l'effort mental en devient presque un supplice, aussi terrible que les tortures infligées à certains de leurs personnages. Parfois, l'un s'en détache, cela tient à presque rien, quelque chose de rare, un style, de l'humour, une manière décalée, un flic attachant, une victime qu'on n'a pas envie de voir être sauvée...
Ici, la particularité de ce roman intitulé Qaanaaq tient sans doute à plusieurs registres alors même que la trame repose sur une construction plutôt classique.
La première des originalités de ce récit est de nous inviter sur le territoire du Groenland. Voilà un polar venu du froid et j'en ai encore quelques frissons... Allez, prenez votre polaire et je vous invite en terre boréale sous la Grande Ourse ...
Il me semble qu'il s'agit de ma seconde exploration littéraire en terre inconnue groenlandaise. La première fois, c'était lors de ma lecture d'Imaqa, un roman très attachant et nimbé d'humour. C'est ainsi que j'ai découvert qu'Imaqa signifie en groenlandais « peut-être ».
Le récit débute par le constat de plusieurs carnages. Les scènes de crime semblent sidérantes, incroyables. On y décèle à chaque fois comme un rituel, celui d'un animal, les traces d'un ours polaire qui aurait peut-être égorgé les victimes dans des conditions atroces. Un autre point commun se détache avec la même évidence que le réchauffement climatique détache là-bas des blocs de glace jusqu'ici immuables : toutes les victimes travaillaient pour la même compagnie pétrolière qui exploite le sol groenlandais, au grand dam de certaines communautés inuites, certaines d'entre elles engagées dans des combats écologiques, d'autres dont les missions cachent un nationalisme exacerbé et violent. En toile de fond viennent alors des thèmes qui offrent un autre paysage en arrière-plan : des intrigues politiques, des intérêts financiers, la quête d'indépendance d'un peuple qui cherche à préserver son histoire, sa culture, son identité...
C'est une terre singulière ballotée, pour ne pas dire déchirée, entre traditions et modernité, convoitée pour ses richesses, dépouillée, en quête d'avenir et de sens...
Dès les premières pages, nous faisons connaissance avec l'inspecteur danois Qaanaaq Adriensen, tout juste débarqué sur ce sol qui lui est un peu étranger tout en ne l'étant pas totalement, car ici c'est sa terre natale. Je ne sais pas si vous me suivez. Non ? Tant mieux... Alors, je poursuis...
L'accueil qui lui est réservé est plutôt froid pour ne pas dire glacial, autant par la capitaine, la cheffe de l'équipe policière en charge de l'enquête, une certaine Rikke Engell, que par la populace du coin.
Il lui reste presque cinq cents pages pour briser la glace...
Immersion totale en terre groenlandaise, une terre hostile autant pour la rudesse de son paysage que pour celle du comité d'accueil. Une terre où des coeurs peuvent s'ouvrir et s'éprendre...
Mais qui est Qaanaaq ? Un policier qui fonctionne à l'intuition, j'adore. C'est son histoire qui m'a ému, ses fêlures aussi, sa manière de mettre les pieds là où il ne faut pas, mais l'intuition n'est pas une science exacte... Sinon, il n'y aurait jamais de littérature romanesque...
Je me suis assez rapidement lassé et détourné de l'intrigue, laissant les protagonistes s'en occuper, les flics, les médecins légistes, les politiques... Je me suis dit que c'était leur affaire et qu'ils s'en arrangeraient bien, je leur ai fait confiance...
J'ai fait un pas de côté dans la banquise pour regarder des paysages intérieurs, parfois bien plus fascinants... Des visages, d'enfants, de vieux, de prostituées, des âmes perdues sur cette terre qui l'est tout autant.
J'ai aimé ce voyage presque intérieur de Qaanaaq vers Qaanaaq à l'autre bout de ce bout de continent, une trajectoire intime où l'inspecteur danois brise la glace de son coeur, va à la confrontation de son destin, chercher les méchants de cette histoire et côtoyer un peu par hasard les tréfonds de la sienne, trouver d'où il vient, le bonheur des siens...
En dehors des méchants et des soi-disant bons, nous côtoyons ici la réalité qui mêle des paysages immenses, des chamanes, des superstitions qui résistent encore au temps, des vies brisées...
Des êtres parfois attachants, à la fois indissociables et pourtant bien distincts.
Ici la blessure faite à la terre fait aussi mal qu'une blessure faite à des personnes... Ce récit est traversée de déflagrations qui ont peut-être fini par éventrer certains personnages mais pas ce sol minéral du Groenland, à la fois invisible et immortel...
J'ai aimé être dans cette dérive des continents...
Bon, certes, l'auteur, un certain Mo Malø n'est pas plus groenlandais que je ne suis kanak, puisqu'il serait même breton.... Zut, je vous perds encore. Qu'importe ! Cet auteur a su
Alors ? Ai-je aimé ? Imaqa.
Imaqa oui ? Ou Imaqa non ?
Imaqa...
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