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Critique de YsaM


Je découvre la plume de Jean-Paul Malaval avec ce roman qui m'a été envoyé par Virginie des Editions deBorée et je tiens à la remercier parce que j'ai beaucoup aimé ce livre ainsi que l'écriture de l'auteur que j'ai trouvée riche et fluide.

L'histoire prend forme en pleine seconde guerre mondiale avec la famille Straub qui vit à Amiens. Antoine, le père, est le bras droit du Directeur de la briquèterie locale, c'est un homme auquel on s'attache tout de suite, même s'il semble un peu taciturne et qu'il économise ses mots, l'homme a d'honorables qualités, il est honnête, fidèle et droit, il est aussi membre actif de la résistance, mais personne ne s'en doute. Il faut dire qu'Antoine Straub est plutôt du genre "passe-partout", il n'a pas le physique d'un bellâtre sur lequel toutes les femmes se retourneraient, il se fond dans la masse avec un flegme britannique que beaucoup envieraient.

Elisabeth, son épouse, est la parfaite femme d'intérieur, depuis la mort de son fils au combat, en mai 1940 près de Dunkerque, elle n'est plus la même, elle n'arrive pas à faire son deuil, la chambre de Raphaël est devenu un mausolée où elle se recueille chaque jour. Raphaël était brillant, le fils dans lequel les parents avaient placé tous leurs espoirs.

Claire est la seule enfant qu'il leur reste, la jeune fille a dix-huit ans et comme toutes les jeunes filles de son âge elle est conditionnée pour faire un beau mariage, c'est surtout Elisabeth qui y pense, parce qu'Antoine aimerait que Claire apprenne un métier. Il semble beaucoup plus moderne et féministe que son épouse à qui il a promis de ne prendre aucun risque pour ne pas mettre la famille en danger. Elisabeth est persuadée que son mari fait partie d'un réseau, mais Antoine ne laisse rien paraître, l'homme est maître de lui en toutes circonstances, ce qui a le don d'agacer son épouse.

Claire est un peu capricieuse et très habile pour manipuler ce père qui rejette toute sa tendresse sur elle. Avec Elisabeth ce n'est pas l'amour fou, le couple se respecte, s'aime certainement mais il manque cette étincelle qui pourrait tout changer. J'ai l'impression que c'est une vie d'habitudes, une vie un peu terne et que finalement faire partie de la résistance pimente le quotidien d'Antoine, même si je sais que c'est un homme de convictions et qu'il ne s'est pas engagé à la légère.

Un soir, alors qu'Antoine est monté dans son bureau, Elisabeth remarque qu'un soldat Allemand s'est posté face à la maison. C'est la panique ! Antoine ne se démonte pas et descend pour se rendre compte que l'Allemand en question n'est autre que son neveu par alliance, Alexandre Obertz-Straub. Paulus Straub, le frère d'Antoine, s'est marié avec une veuve qui avait déjà un enfant, il a adopté Alexandre mais ne l'a jamais vraiment considéré comme son fils. Antoine n'a plus de contact avec Paulus, les deux hommes ne s'entendent pas et Paulus est un sinistre collaborateur qui a embrassé les thèses nazies. Alexandre est déserteur, il a quitté la Brigade Frankreich (brigade d'assaut des SS Français) dans laquelle il s'était engagé. Qu'est ce qu'Antoine va bien pouvoir faire de ce dérangeant neveu ?

Mais Antoine a bon coeur, il a certainement aussi le sens de la famille alors il décide de cacher Alexandre dans sa cave avant de pouvoir lui trouver un autre endroit ultérieurement. Avec ce geste qui est tout à son honneur, il ne se doute pas un seul instant qu'il vient de faire rentrer le loup dans la bergerie.

Jean-Philippe Malaval nous embarque dans l'histoire d'Alexandre qui va bien vite devenir celle de Claire et de toute la famille Straub. C'est déroutant et magistral à la fois, comment Antoine a-t-il pu se laisser duper de cette façon et pire, rentrer dans cette imposture sans nom. Lui qui était si droit et si honnête, comment se laisse-t-il envahir par le mensonge, un mensonge qui ronge et qui risque de tout détruire ? par amour peut-être ? celui qu'il voue à cette seule fille qu'il lui reste ?

Claire est tombée amoureuse d'Alexandre, elle se fait une idée totalement erronée du jeune homme qu'elle voit en héros. Alexandre est beau mais ça s'arrête là, sauf que Claire ne le sait pas, elle l'imagine résistant, c'est d'ailleurs pour cela que son père le cache, pour protéger le héros, elle en est persuadée. Quand Claire informe son père des projets de mariage elle est tellement heureuse qu'il ne dit rien, quand elle parle de l'héroïsme d'Alexandre avec des étoiles plein les yeux, Antoine n'ose pas la contredire, pensant qu'il lui dira la vérité plus tard, mais ce plus tard n'arrivera jamais. Antoine vient de mettre le doigt dans un engrenage infernal et on se demande où tout cela va mener.

Si on pensait Alexandre inoffensif et stupide, on se trompe, le jeune homme va vite comprendre qu'il peut tirer son épingle du jeu et va se montrer terriblement habile jusqu'à se faire embaucher à un poste important dans la briquèterie. Je suis déroutée et mal à l'aise vis à vis d'Antoine, j'ai énormément d'empathie pour lui et en même temps je ne lui pardonne pas ce mensonge. Il a voulu protéger sa fille, il pensait peut-être pouvoir mener la barque et tout maîtriser mais Alexandre a pris les rênes et il arrive parfois que l'élève dépasse le maître.

J'ai envie de secouer Claire et de lui demander d'être moins stupide, plus le temps passe, plus Alexandre mène la famille Straub dans le chaos. Ce Monsieur Gendre -surnom donné par les employés de la Briquèterie- a décidément plus d'un tour dans son sac. Il n'a aucune honte, il a soif de réussite et d'argent. A chaque nouveau chapitre on attend que la vérité éclate, mais l'auteur fait durer le suspense et sort d'autres malversations de son chapeau, je suis presque en apnée et inquiète de penser que peut-être personne ne saura jamais qui est le véritable Monsieur Gendre !

Pourquoi faut-il que le mensonge soit plus fort que la vérité ? se demanda-t-il. La vérité est destructrice, elle exige tant de remises en question, de reniements.... On fait donc semblant de s'accommoder du mensonge, à la longue ce mensonge nous dévore de l'intérieur sans qu'on trouve jamais la moindre issue

C'est très habile, c'est finement écrit, c'est addictif, j'ai vraiment passé un excellent moment de lecture et j'ai aimé les émotions que ce récit m'a procuré. J'ai pensé que dans la vraie vie, après la guerre, il y a certainement eu un paquet de Monsieur Gendre, des résistants de la dernière heure qui sont passés entre les mailles du filet et qui ont été les pires salauds. Je lirai certainement d'autres romans de cet auteur qui décrit si bien les personnages et dont j'aime beaucoup l'écriture, j'ai déjà noté quelques titres.
Lien : https://jaimelivreblog.wordp..
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