Ceci est le premier livre publié par la Française
Valérie Manteau, la désormais ex-journaliste de
Charlie Hebdo, qui passe sa vie entre Marseille et Istanbul, collectionnant les amants turcs comme d'autres boulottent des loukoums.
Contrairement à son 2e livre,
le Sillon, où elle évoque l'assassinat d'un journaliste kurde en pleine rue, ce premier texte est plus intime. En effet, la jeune femme est au coeur de la tragédie quand elle apprend que ses collègues de Charlie se sont fait décimer puisqu'elle a décidé de quitter le journal peu de temps avant. Folle de douleur, elle rejoint son envoûtant refuge, à cheval entre l'Europe et l'Asie, les rives de son Bosphore adoré, peut-être pour se confronter aux contradictions du monde moderne, à cet Orient occidentalisé malgré lui par Atatürk et à cet Occident qui voit ses valeurs chahutées. Entre ses déambulations stambouliotes et ses pèlerinages parisiens (elle enchaîne les enterrements), dans une écriture pudique et sensible, elle explore ses propres failles, mises au jour par le suicide récent de sa grand-mère, tentation morbide qui la travaille elle aussi, alors qu'elle navigue de psy en psy, cherchant l'apaisement, la reconstruction de soi, déjà, malgré les hallucinations, les cauchemars, les mauvaises rencontres, le souvenir de ses collègues si drôles...
Un beau texte, sincère, pertinent, qui marque, qui reste. A lire.