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Critique de Pirouette0001


Avec « Si rude soit le début », Javier Marías nous offre un livre en droite ligne avec le reste de son oeuvre. Vous ne serez pas perdu, ses thèmes de prédilection sont bien présents et même des références à d'autres romans pour ceux qui les ont lus. Javier Marías décortique l'intime indicible et les zones d'ombre que nous cachons dans les tréfonds de nos consciences et il y réussit avec son brio habituel et son écriture inimitable.

Le jeune Juan de Verde est engagé comme secrétaire particulier d'un réalisateur de cinéma madrilène, qui va lui demander d'enquêter secrètement sur le mystérieux docteur van Vechten, pédiatre qui soigne l'ensemble de la famille. Cela ne vous dit rien ? Il y a un clin d'oeil explicite à la trilogie « Ton visage demain », d'autant plus que Javier Marías se permet une brève incursion du personnage de Peter Wheeler, le vieux professeur d'Oxford, ancien espion britannique, qui nous est présenté dans le premier tome "Ton visage demain : Fièvre et lance" et va faire s'engager le personnage principal Jaime Deza sur la voie d'un certain espionnage dans les tomes suivants.

Lecture passionnante s'il en est, je ne la recommanderais pas comme entrée en matière de l'oeuvre géniale mais particulière de cet auteur. « Comme les amours » reste bien plus facile d'accès, à mon sens.

Le seul bémol peut-être est la traduction qui, par moment, n'est pas gouleyante comme à l'accoutumée. Il y a eu changement à ce niveau chez l'éditeur. De-ci de-là, un terme ou l'autre étonnent le lecteur assidu de cet auteur, habitué à un lexique invariablement élégant même quand il est question des choses les plus crues ou triviales. Et puis, dire qu'appeler un médecin 'docteur' est pédant, que se faire avoir comme un gogo est une expression surannée, n'est pas correct. Mais j'imagine bien que la traduction d'une telle verve, d'une telle faconde ne doit pas être chose aisée.

Le titre aussi m'a intriguée. L'auteur a emprunté à nouveau, écrit-il, le titre du livre à Shakespeare. C'était déjà le cas de « Demain dans la bataille, pense à moi » tiré de Richard III et de « Un coeur si blanc » de Hamlet. Mais impossible ici de retrouver la bonne pièce en cherchant « Si rude soit le début » sur internet, ou sa prolongation "Si rude soit le début, mais le pire est derrière nous". C'est par le titre anglais « Thus bad begins » que j'ai découvert le pot aux roses. Il s'agit à nouveau d'Hamlet dans ses vers célèbres « I must be cruel only to be kind. Thus bad begins and worse remains behind », qui est traduit à l'inverse en français comme dans La Pléiade où l'on lit "Je ne dois être cruel que pour être juste. Ceci commence mal, mais pire viendra". En revanche, Javier Marìas nous fait un grand clin d'oeil en appelant son protagoniste Juan de Vere, lorsqu'on sait que Edouard de Vere est une des figures hypothétiques de Shakespeare.

Lecture captivante donc et sans doute davantage encore pour le lecteur féru de l'univers de cet auteur hors norme, qui sera ravi de reconstituer le fil rouge tracé entre les différentes oeuvres de Javier Marías.
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