Celle qui n'y était pas

Le livre remarquable d'une vivante si intime de ses morts qu'elle en semble contemporaine, elle « qui n'y était pas » : ils l'habitent autant qu'elle les habite, vivant avec eux à l'imparfait… Un livre composé avec soin, dont la chute glace le sang – dans une déflagration évoquant le reste de sa vie et obligeant à reprendre le texte à son début et à lui trouver un goût différent. Un style très personnel qui sait rendre aussi bien la féérie d'une petite enfance dans la nature vierge de l'île Maurice que le malaise d'une adolescente rejoignant une partie de tennis « comme Cendrillon entrant au bal » : des bonheurs d'expression qui frappent par leur acuité et des modulations rythmiques qui servent l'émotion et donnent à entendre le souffle court des personnages, qui est aussi –peut-être - celui de l'autrice face à la vie. Un récit touffu où la romancière tisse ensemble la grande Histoire et les histoires familiales avec leurs parts de fatalités, d'imprévus et d'actes libres. Enfin, en arrière-plan, un manifeste pour l'écriture, seul moyen de respiration et unique espace de liberté permettant d'échapper à la peur et à la folie. Finalement, un viatique substantiel qui est le produit d'un héritage mais constitue lui-même un legs précieux, confirmant qu'en Isabelle Marrier, l'écrivaine l'emporte sur la fille.