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Critique de domi_troizarsouilles


Les cosy crimes étant un (relativement nouveau) genre qui assure le succès des éditeurs plus ou moins policiers, plus d'un s'est engouffré dans ce créneau, avec – il faut bien le reconnaître – des couvertures qui se font concurrence à coup de recherche esthétique et/ou d'inventivité. Je n'ai donc pas honte d'avouer que c'est bel et bien la couverture de ce petit livre qui m'a attirée… et puis j'ai découvert qu'il s'agit de la réédition d'un ouvrage paru en anglais dès 1934 ! Il est à noter toutefois qu'il aura fallu attendre un demi-siècle pour qu'il soit (enfin ?) traduit, une première fois, en français. Il paraît ici dans le même texte qu'en 1984 (en tout cas, c'est la même traductrice, et il n'est pas précisé si le texte français a été revu), mais avec un nouveau titre, tout aussi infidèle à l'original (A man lay dead), mais plus court et qui se veut sans doute plus accrocheur.

Tant que j'en suis aux aveux : toute amatrice de polars que je dis être, je n'avais encore jamais lu un seul livre de cette autrice, qui m'était inconnue, pas davantage que de celle qu'on présente comme sa grande rivale (et qui est pourtant beaucoup plus célèbre) : Agatha Christie ! En ce qui concerne cette dernière, c'est même pire : sachant que les diverses adaptation ciné ou téléfilm que j'ai pu voir de l'un ou l'autre de ses livres m'ont le plus souvent ennuyée, je n'ai jamais ressenti d'envie particulière de lire lesdits livres... Ce total manque d'intérêt m'avait fait conclure qu'il ne sert à rien de m'acharner à tenter de lire les classiques du roman policier, puisqu'ils ne m'attirent pas (pour l'instant). Pour citer un autre exemple, dans un style certes bien différent, semble-t-il, et bien plus éloigné du cosy comme on le connaît aujourd'hui, mais ils sont contemporains : je ne suis jamais arrivée au bout d'aucun livre de mon compatriote George Simenon, fierté nationale, dont j'ai pourtant dû lire l'un ou l'autre extrait (je ne me rappelle pas avoir dû lire un livre entier) à l'école autrefois.

Et voici l'inconnue Ngaio Marsh… Sachant que le risque que je n'accroche pas était élevé, j'ai beaucoup hésité à acquérir ce livre, mais évidemment, l'acheteuse compulsive de livres en moi a fini par craquer. Toutefois, comme vous pouvez imaginer, ce livre s'est très vite retrouvé dans le fond de ma PAL. Il a pourtant suffi d'un challenge me proposant de lire un auteur de Nouvelle-Zélande en ce mois de mars, pour qu'il revienne dans la liste des livres à lire à court terme, et c'est maintenant chose faite !
Alors, soyons honnête : ce n'est pas une révélation, je ne vais certainement pas classer ce livre parmi mes coups de coeur de l'année. Cependant, je suis beaucoup moins déçue que je n'aurais craint, et ça, c'est une bonne nouvelle !

Au risque de me répéter : pour l'amatrice de romans policiers et thrillers, ainsi que de (quelques) séries policière télévisées, que je suis, l'histoire d'un homicide réel dans le cadre d'une murder party, ce fameux « jeu de l'assassin », c'est du vu et re-re-vu ! Ngaio Marsh était-elle la première ou, pour le moins, parmi les premiers, à se risquer dans une telle histoire ? Peu importe, en réalité, car il y a 1.001 façons de traiter un tel schéma de départ…

L'autrice a pris le biais propre à son époque : on est dans une grande demeure qui a les allures d'un véritable petit manoir, le maître de maison est un « sir » et ses invités semblent d'un certain niveau social, tandis qu'un nombre assez important de serviteurs divers et variés font tourner la maison – et bien sûr, tous, serviteurs compris, sont autant de suspects potentiels ! Dans un premier temps, j'ai cru que la multiplication des personnages allait être problématique, mais finalement non : Ngaio Marsh a ce véritable don de rappeler, et à plusieurs reprises mais toujours de façon simple et naturelle, qui est qui, au fil de l'avancée de l'enquête par ce fameux inspecteur Alleyn, qui sera semble-t-il le personnage récurrent de la série initiée ici. En tout cas, si je me suis un peu sentie perdue dans les présentations initiales, j'ai très vite réussi à reconnaître les différents personnages et les interactions qu'ils avaient les uns avec les autres.

Pourtant, la psychologie de ces différents personnages n'est guère fouillée, à peine survolée ! On en sait juste assez pour pouvoir les soupçonner (au moins quelques secondes) les uns après les autres ; on se sent un peu plus proche de l'inspecteur Alleyn, du jeune journaliste Nigel Bathgate qui apparaît bien un peu nigaud (en tout cas c'est ainsi qu'Alleyn le qualifie, et il l'en remercie presque !) et de la jeune femme Angela North, particulièrement émancipée pour l'époque – sans pour autant s'attacher vraiment à aucun d'entre eux.
On est plutôt dans un récit qui va à toute vitesse, les scènes se succèdent à un rythme effréné, le plus souvent grâce à des dialogues qui, eux, sont réellement travaillés – on sent tout le travail de celle que Wikipedia présente comme « dramaturge » (et non comme « femme de lettres », ce qui est le cas d'Agatha Christie par exemple). Je ne veux pas débattre ici de la question si une dramaturge est (ou non) une femme de lettres – j'ai envie de dire que oui, évidemment ! – mais clairement, Ngaio Marsh maîtrise l'art de la mise en scène, de l'enchaînement (rapide) de situations qui apparaissent comme très visuelles, grâce à des dialogues parfois saccadés, souvent empreints d'une touche de cet humour pince-sans-rire qu'on qualifie si souvent de britannique. Oh ! il y a bien quelques événements qui nous sont contés au fil de l'histoire, et on voyage à Londres, on retourne au manoir, etc. En outre, on n'évite pas divers questionnements qui apparaissent comme autant de fausses pistes (qui ne m'ont que moyennement convaincue), avec notamment une « composante russe » dont je n'ai pas trop compris l'utilité et qui m'a semblé embrouiller l'intrigue plus qu'autre chose, mais elle ajoute un peu de piquant à l'ensemble. Cependant, j'insiste pour dire que ces dialogues, réellement maîtrisés, sont le moteur principal de ce livre et font avancer l'intrigue.

Ainsi, de scène en scène, on arrive à la résolution de l'enquête, inévitablement très classique. En effet, on est dans un schéma final plus qu'attendu : tandis que les deux acolytes désignés de l'inspecteur continuent de mouliner sans trop rien comprendre (vous aviez dit nigaud, en parlant de Nigel ? et l'image de la femme, même émancipée comme Angela, reste assez archaïque), l'inspecteur Alleyn a quant à lui rassemblé tous les éléments presque en catimini, comme le fin limier au flair exceptionnel qu'il dit être (il y a quelques allusions à sa prétendue grande intelligence), et les expose à l'assemblée qu'il a fait réunir, dans un pseudo-coup de théâtre final au bout duquel le coupable est effectivement arrêté.

Ce n'est donc pas un grand polar qui fait vibrer et/ou frissonner, ce n'est pas non plus un cosy crime exceptionnel ni même agréablement piquant comme ceux qui ont fait le succès du genre dans un décor de village à la Agatha Raisin, de toute façon les repères temporels sont trop anciens, mais c'est une image intéressante de la société aisée de ces années 1930, qui occupe ses week-ends en jouant à une murder party qui tournera mal. le tempo rapide du texte empêche de développer en profondeur la psychologie des personnages, ce qui crée un sentiment de non-attachement, mais l'autrice maîtrise à merveille l'art du dialogue, jusqu'à une résolution classique et attendue, qui donne néanmoins la vague envie de poursuivre la série - avec, je me répète mais c'est ainsi, un grand bravo pour la couverture!
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