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Critique de jtriaud


Frédéric Martel, journaliste de Radio-France, est un bon connaisseur des médias et des politiques culturelles contemporaines. Il nous livre ici un pamphlet contre la politique culturelle de Nicolas Sarkozy. Ou plutôt un pamphlet contre les postures culturelles du président de la République.
Car, s'il y a bien un domaine où Nicolas Sarkozy n'a aucune politique, c'est bien celui de la culture. Au fil de ces presque 5 ans de mandat, il aura détricoté ce qui restait de politique culturelle et, cela va de pair, et réussi à instrumentaliser la culture.
Pour Sarkozy, la culture est d'abord une affaire d'image au service de ses intérêts. le premier sarkozisme culturel, comme l'appelle Frédéric Martel, est marqué du sceau - du sot ? - de la culture populaire dans ce qu'elle a de plus plouc et industriel : seront mis sur le devant de la scène les Johnny Halliday, Christian Clavier mais aussi les films cultes comme Rambo. D'où cette interrogation de Martel : Sarkozy n'a-t-il pas cherché à paraître plus inculte qu'il n'est afin de bien souligner la rupture avec le quinquennat précédent ? Possible, mais probable aussi que là soit bien la vérité de ce président bourré de tics...
Le second sarkozysme culturel est un retour vers les intellectuels, c'est donc un peu plus classique. Mais là encore, Sarkozy de moque bien de tous ces penseurs : il s'agit avant tout qu'ils arrêtent de dire du mal de sa personne et de sa politique. Sarkozy emprunte alors le concept de civilisation à Edgar Morin, reçoit toutes les semaines un aéropages d'intellectuels, se convertit à l'art contemporain. Savoureuse relation d'un de ces déjeuners où l'on voit le président exhiber sa montre de luxe à tous les commensaux...
Au total, la culture de Sarkozy est une culture "middlebrow" comme le dit Frédéric Martel : une espèce de culture populaire non assumée, mais qui se concentre sur des formes accessibles d'art. Une pointe d'élitisme mâtine le tout...
Ce qui rend ce pamphlet intéressant, outre sa construction sur le mode des "J'aime/je n'aime pas" de Facebook, c'est l'affirmation que la culture est instrumentalisée afin d'assurer la ré-élection de Nicolas Sarkozy. Car si Sarkozy est particulièrement inculte - les humanités ne font pas partie de son univers - il n'en reste pas moins qu'il adopte une position gramsciste : la bataille politique est d'abord une bataille des idées et une guerre culturelle. Afin de triompher, il convient de tout mettre en oeuvre pour la gagner.
C'est pourquoi Nicolas Sarkozy a soin de cultiver ses amitiés dans la sphère des médias - télévision, internet, journaux papier etc... et des instituts de sondage. Tout est donc prêt pour la production d'un déluge d'images et de contenus politiques censés emporter tous ses adversaires. C'est la thèse de Frédéric Martel. Vive la politique à l'heure de l'advertainment !
Face à cela, il y a bien longtemps qu'il n'y a plus de ministre de la culture : Albanel réduite à rien avec la création d'un ministère bis dirigé par Martin Karmitz, puis "Mitterand le petit" dont l'ego démesuré sert de fumée envoûtante.
Hilarant est le chapitre consacré à "Sarkozy et l'école" où l'on voit un député taquin demander, en 2010, de manière tout ce qu'il y a de plus officielle, comment le gouvernement compte remédier aux difficultés grammaticales du président...Je vous laisse lire la réponse 9 mois après de Luc Chatel, c'est impayable.
Voici donc un livre qui tombe bien à propos à moins de trois mois de l'élection présidentielle, et dont la thèse centrale se révèle tous les jours plus pertinente. Cela n'augure rien de bon.
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