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Critique de Lucilou


Il y a bien trop longtemps que je ne m'étais pas lancée à l'assaut d'un classique français... J'ai profité de la toute nouvelle réédition des "Thibault" chez folio pour me lancer dans cette saga fleuve que je me souviens avoir vu trôner dans la bibliothèque de mes parents dans une édition de poche qui fleurait bon les années soixante-dix de leur adolescence et que ma mère se souvient encore avoir adoré.
Je ne savais presque rien de cette somme romanesque si ce n'est qu'elle avait permis à son auteur, Roger Martin du Gard, d'obtenir en 1937 le prestigieux Prix Nobel de Littérature, souvenir vague d'une chronologie de l'Histoire Littéraire Française du XX°siècle apprise du temps de la fac... Quant à l'adaptation de 2003, j'étais sans doute trop jeune pour y tomber.
Je n'en savais presque rien, donc, mais son statut de classique un peu désuet soudain réédité m'a happée tout comme ses nouvelles couvertures et son résumé qui m'a évoqué les grands romans du XIX°siècle que j'aime à la folie.
Il va sans dire que j'ai dévoré ce premier volume qui couvre les cinq premiers livres de la saga, qui court du "Cahier Gris" à "La Sorellina", neuf cent pages ou presque dégustées avidement mais si rapidement que je me refuse à lire immédiatement la suite. le plaisir, il faut savoir le faire durer.

A l'orée de convoquer l'intrigue et les personnages de ce roman splendide, je me sens toute petite soudain. Il me paraît soudain bien difficile et un rien présomptueux de prétendre esquisser ici et intelligemment mes impressions après la découverte, la dévoration de ce roman qui emprunte autant au roman historique qu'à la saga familiale, autant au roman d'idée qu'à la fresque sociale... Je vais tout de même essayer...

Paris. 1905.
Oscar Thibault, le patriarche très respecté d'une famille catholique non moins respectée et honorable bout de colère. Son second fils, Jacques, quatorze ans vient de faire une fugue. Dans ses affaires, ses maîtres ont retrouvé un mystérieux cahier gris parcouru des graphies brouillonnes et passionnées de l'adolescent et de son meilleur ami, Daniel de Fontanin, issu quant à lui d'une famille protestante. Nourris de poésie et des élans de cette amitié passionné, les deux jeunes hommes ont décidé de mettre le cap sur Marseille. de là, ils prendront la mer et partiront. Loin.
C'est Antoine, le fils aîné d'Oscar, qui partira à la recherche de son frère et de son ami. Si Jacques est un rebelle, son frère est tout autre. de neuf ans son aîné, le futur médecin est un être raisonnable, patient et qui semble faire la fierté de ce père distant et sévère qui ne comprend rien à son cadet. Entre les deux frères, que cette froideur aurait pu rapprocher, ne réside qu'une affection distante, timide... Ce qui explique peut-être l'élan déraisonné qui pousse Jacques vers Daniel et les siens, dont la famille n'a pourtant rien d'enviable entre un père coureur et absent, une mère douce et bafouée, une petite soeur un peu maladive...
Cet épisode de la fugue, pour dérisoire qu'il paraisse va marquer en réalité et à jamais les destinées des deux familles, Thibault et de Fontanin, car il a va cristalliser brutalement et questionner les énergies familiales à commencer par le lien entre Jacques et Antoine. de la fugue aussi viendra l'entrée des Fontanin dans le monde des Thibault, tous en sortiront changés.
Au fil du roman, on marche ainsi dans les pas de cet Antoine si raisonnable qui vacillera pourtant pour la belle Rachel, de Jacques l'écorché vif et de leur père si taiseux. On se prendra d'amitié pour la grave Madame de Fontanin, on s'éprendra du charme froid du beau Daniel avant de s'agacer, on aura autant de peine que d'admiration pour Jenny, Gise et Nicole. Les destins de tous ces personnages construits si finement n'auront de cesse de se croiser des années durant tandis qu'autour d'eux le monde est en train de changer, tandis que L Histoire est en marche et si Jacques embrasse le changement de toutes ses forces, s'il l'étreint aussi fougueusement que possible, cet embrasement n'est pas sans effrayer Oscar et Antoine...

J'ai tout aimé dans ce premier volume, de l'écriture classique mais incroyablement riche et maîtrisée de Roger Martin du Gard, de la peinture si fine de toute une société en train de mourir... Ou de changer aux personnages si complexes et à tout ce qu'ils traversent, des profondes mutations sociétales à leurs relations les uns aux autres.
Bien sûr oui qu'il me tarde déjà de les retrouver et qu'ils me manquent, les deux frères surtout.
Un bon classique, décidemment, ne déçoit jamais, au contraire.
Vivement la suite.
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