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Critique de StCyr


"Quel roman que ma vie!" s'exclamait Napoléon. Semblable déclaration conviendrai également à ce que furent la vie et les pérégrinations post mortem d'Eva Perón. Enfant naturelle et pauvre de la campagne, sans beauté particulière, talonnée par l'ambition sans borne de ceux qui ont connu et veulent se venger de la misère, elle quitta tout pour Buenos Aires, afin d'embrasser la carrière de comédienne de second ordre et, à force d'audace et d'acharnement, traça son chemin pour arriver, incroyablement, au statut de première dame d'Argentine. Une sorte de conte de fée moderne, que la disparition prématurée de la pasionaria, éleva carrément au niveau d'icone et de légende. Cinq cent mille personne se recueillirent sur son cercueil durant les douze jours de veille funèbre, son corps fut embaumé, puis disparu, enlevé, pour n'être restitué au veuf, le président déchu Juan Domingo Perón, que quinze ans plus tard.

Voilà pour les faits. Rentrons dans le récit. le roman s'ouvre sur une Evita mourante d'un cancer de l'utérus, vestige ancien d'un avortement désastreux, alors qu'en bas les gens prient pour son salut, dans cette adoration du petit peuple pour leur dame, adulation touchant au fétichisme : elle était leur reine, leur sainte, leur déesse. En fait, c'est dans un continuel va-et-vient entre la figure malade mais combattante d'Evita et sa dépouille embarrassante, porteuse d'une malédiction, telle la dépouille de Toutankhamon, pour quiconque , nouveau lord Carnavon, s'aviserai de troubler son sommeil, que s'articule le roman de Tomás Eloy Martínez. Car il s'agit bien d'un roman, d'une recréation magistrale du mythe : biographie, recueil de témoignages des proches, de connaissances, d'anciens collègues, de fiches émanant des services secrets, d'écoutes de cassettes... Difficile de savoir où s'arrêtent les faits et où commence l'art. D'autant que les trames narratives se croisent, entre l'activité fiévreuse de la prima donna, les atermoiements des services secrets embarrassés avec la dépouille de cette dernière et ses copies de cire et de vinyle, cherchant à toute force à la soustraire à la surveillance des adorateurs de la défunte, le présent de l'écrivain enquêtant. La nature même de cet opus invite à une réflexion sur l'extrême malléabilité de l'Histoire.

Cette oeuvre protéiforme est proprement magistrale. On se laisse fasciné par la figure controversée d'Eva Perón, honnie par les uns, adorée sans réserve par les classes laborieuses. Le roman est passionnant de bout en bout : en raison du sujet traité et de par le talent de conteur de Tomás Eloy Martínez. Remarquable, de la littérature dans sa plus pure acception.
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