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Critique de Osmanthe


Il y a une quinzaine d'années, Suehiro Maruo a entrepris d'adapter le roman du grand Edogawa Ranpo, l'Île Panorama. le mangaka, maître de l‘ero-guro (érotique grotesque), est ici moins trash que dans ses oeuvres antérieures, qui en guise d'érotisme allient souvent la pornographie et le gore, dans de courtes histoires sans queue ni tête (ou avec les deux, comme on voudra !).

Ici, le scénario est construit, même si l'histoire est simple finalement : Hirosuke Hitomi est un écrivain laborieux, qui vit au début de l'ère Shôwa (à la veille de la première guerre mondale). Admirateur d'Edgar Allan Poe, il est en panne d'inspiration, a bien du mal à payer son loyer, et son éditeur s'inquiète. Il lui apprend que Genzaburô Komoda, un riche homme d'affaires, est décédé prématurément d'une crise d'asthme, à 38 ans. Hirosuke et lui était allés à l'école ensemble, et se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, on aurait dit des jumeaux ! Hirosuke a l'idée soudaine de se rendre à la préfecture de Mie, berceau de la famille de Komoda, pour usurper l'identité du mort : il y déterre le cadavre, lui prend sa bague d'époux, et, dans une scène douloureuse et sanglante, s'arrache une incisive pour la remplacer par la fausse dent de Komoda…

Dès lors, sa machination se met en marche, il s'arrange pour qu'on le trouve comme mort sur un chemin, mais ressuscité. L'incrédulité et la méfiance de quelques-uns est vite remplacée par la joie des « retrouvailles », notamment avec Chiyoko, la belle épouse. Mais elle doute, il le sent…En attendant, il va mobiliser à son service tout le réseau d'entrepreneurs de Komoda pour satisfaire la réalisation d'un projet de parc d'attraction en bord de mer, qui va s'avérer complètement mégalo.

Le parc devenu une île enchantée est un rêve éveillé aux yeux de Chiyoko, hypnotisée mais toujours inquiète, lorsque son époux lui fait visiter ces lieux où l'enchantement n'a pas de fin. Dans ce kaléidoscope, nous sommes chez les dieux grecs, dans les plus beaux palais et pièces d'eaux, en des jardins merveilleux qui se succèdent à perte de vue, entourés de statues érotiques, lascives, d'éphèbes et autres vénus langoureuses. Mais est-on dans un univers réel, dans un rêve, dans une perspective dimensionnelle tronquée ? Cette visite s'avère être une lente descente vers l'enfer pour Chiyoko, qui a compris depuis longtemps le piège…L'univers devient de plus en plus fou, des visions à la Jérôme Bosch surgissent bientôt, où les amis de Komoda enfourchent des passereaux géants, où cela fornique dans l'allégresse…Le faux Komoda devenu criminel va néanmoins tomber sur un os, une bien mauvaise surprise de type arroseur arrosé, qui va le forcer à expier ses fautes…

Bienvenue dans un univers luxuriant, baroque et coloré ! Malgré les plages en noir et blanc, Maruo nous livre dans le dernier tiers de l'ouvrage une série de 120 pages d'une esthétique flamboyante, à l'imagination débridée. L'érotisme est là, mais c'est beau, ce n'est pas grossier, c'est magistral, et c'est le clou de ce scénario intéressant.

Bref, c'est un bon opus de Maruo, idéal pour découvrir l'oeuvre immense de Ranpo si l'on a envie de s'alléger la lecture, entre deux romans plus roboratifs.
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