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Critique de Renod


2010, Londres, dans le salon d'un palace. Saïf al-Islam Kadhafi a accepté de rencontrer Hisham Matar pour évoquer le sort de son père. Jaballa Matar, un opposant de Kadhafi, a été enlevé par les services secrets égyptiens vingt ans plus tôt. L'homme a ensuite été remis aux autorités libyennes. Les premières années, il a pu faire secrètement passer quelques lettres de sa prison, mais depuis, plus rien. Sa famille ne sait ni où il se trouve, ni même s'il est encore en vie. le fils du bourreau et celui de la victime se font face. Mais l'entretien s'achève sur de vagues promesses, sans nouvelle information.

Le destin de la famille Matar est lié aux heures tragiques de la Libye. le récit de ces vies brisées permet à l'auteur de retracer l'histoire des cent dernières années de ce pays. le grand-père Hamed a combattu la domination coloniale italienne, le père a organisé la résistance à Kadhafi et Izzo, un cousin de l'auteur, a été abattu en 2011 à Tripoli pendant la guerre civile.

« La terre qui les sépare » est le récit de la quête d'un fils qui se bat pour connaître la vérité sur son père. L'absence de cet homme charismatique crée un vrai manque pour ses proches. Les possibilités de le retrouver en vie sont très minces mais ils gardent espoir et continuent de se battre. Et si sa mort est plus que probable, il leur faut connaître la date et les conditions de celle-ci pour pouvoir en faire le deuil. Mais si à la mort du dictateur, les portes des prisons vont s'ouvrir, le mystère demeure.

Hisham Matar témoigne aussi de la douleur de l'exil. Sa famille doit s'installer en Égypte alors qu'il n'a que huit ans. L'auteur exprime la mélancolie de la terre natale, de ses proches restés sur place et de tout un monde qu'il a laissé derrière lui en partant. Et le pays qu'il retrouve à son retour a non seulement énormément changé, mais il est en plein bouleversement post guerre civile. Au passé, irrémédiablement perdu, succède le présent et l'avenir, terriblement précaires.

Hisham Matar signe un récit touchant. Derrière l'écrivain, l'intellectuel engagé, le lecteur devine le portrait d'un enfant blessé, privé de l'amour d'un père et de l'insouciance d'une jeunesse. Et ce retour dans une Libye « libérée » marque aussi l'impossibilité de retrouver une patrie intime. Il n'y a pas de retour possible, l'exil perdure ; la plaie reste ouverte.

***je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour cette lecture***
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