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Critique de motspourmots


Comment vit-on lorsque l'on se trouve dans l'incapacité de tisser un lien ? Quand le poids du passé écrase tout, empêche la moindre légèreté et que même l'enfance fut synonyme de malheur, d'horreur et de cruauté ? Quand la solitude est entretenue par le vide abyssal de la grande ville impersonnelle ? Où se niche l'espoir ? C'est le thème de ce roman, et c'est tout simplement bouleversant.

Varsovie - Les Lilas. C'est la trajectoire de Francine, qui, à soixante-ans bien tassés passe ses journées dans le bus 96, terminus Porte des Lilas. Elle ne peut tout simplement pas rester en place, seule dans son petit appartement. Alors ce bus, cette ligne qu'elle connait par coeur et dont elle observe les passagers et, à travers eux, la vie de la cité. de toute façon, le silence, elle est habituée. Son mari, décédé, l'imposait chez eux. Elle ne voit pas grand monde, Francine. Sa fille, de loin en loin. Sa petite-fille, à peine. C'est comme si elle ne savait pas être au monde. Dans son corps, il y a le souvenir de sa naissance à Varsovie en 1939, quelques semaines avant que la guerre n'éclate ; la séparation d'avec ses parents. La déportation de sa mère, son sauvetage à elle, miraculeux. Et de longs mois de peur et de misère avant que sa mère ne réapparaisse. Ou ce qu'il en restait. Depuis, Francine marche, et, l'âge venant, emprunte le bus. Elle cherche celui ou celle qui pourrait recueillir son histoire...

Et à travers le regard de Francine, ce que le lecteur observe c'est la solitude urbaine, la façon dont un individu n'est rien pour celui qui le croise. Les faux liens qui se tissent par nécessité - le boucher, le boulanger... - et qui quelque part donnent l'impression d'exister. Entrer dans une boutique, essayer des vêtements, prendre soudain corps dans l'oeil de la vendeuse. Mais sortir sans acheter et disparaitre encore. Les regards effleurent seulement. Même celui de sa fille ne va pas au-delà de la façade affichée par Francine, ne prend pas le temps de découvrir la femme derrière la mère, et ce passé qui submerge la sphère émotionnelle. C'est en jetant son dévolu sur une femme à l'air paumé, en voulant l'aider que Francine va tenter de renouer avec ce qui tisse les liens sociaux. Pourtant, le déclic viendra d'ailleurs et par surprise.

Si la solitude et la détresse sont palpables, si l'on perçoit avec une rare acuité ce que signifie "être transparent", l'espoir et la lumière ne sont jamais absents. La plume de Marianne Maury Kaufmann progresse tout en finesse, aérienne dans les descriptions, précise dans les sensations, équilibrée dans les sentiments. D'une marque d'intérêt jaillit la lumière, et, d'une poupée à l'autre, s'esquisse la possibilité d'une réconciliation.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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