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Critique de SophieLesBasBleus


Elle ne tient pas en place, Francine. Jeune, elle arpentait les rues de Paris. Son âge lui fait désormais préférer le bus. le 96, en particulier, bien pratique puisque son arrêt se situe juste en bas de l'immeuble où elle vit. Mais même dans le bus, elle ne peut s'empêcher de bouger, de changer de siège, de changer de place. Est-ce parce qu'elle a tant de mal à trouver la sienne ? Est-ce parce que ce mouvement perpétuel lui donne l'impression de changer de vie, de changer d'histoire ? Cette histoire que pourtant elle porte comme un fardeau, impossible à déposer, impossible à alléger, impossible à partager.
Née Edda dans la Pologne de 1939, elle est devenue Francine sans se sentir davantage l'une que l'autre. Silence imposé par la guerre, par l'absence de Dorota, sa mère déportée, par son mari, Jean, par la foule anonyme et incapable d'attention, par elle-même, enfin, qui hésite sans cesse entre volonté d'oubli et besoin d'exprimer.
Alors, asphyxiée de solitude et de ce silence suffocant, elle observe les autres, la vie des autres, les moindres détails dont elle nourrit sa propre existence, entre ironie méprisante et envie dévorante : les différents conducteurs et passagers du bus, la femme du boucher, Dina, la commère. Mais pas sa propre fille, non, pas sa fille, ni sa petite-fille, qu'elle ne sait plus et qui ne la savent pas.
Au cours de l'une de ses errances urbaines, elle voit une jeune femme dont l'allure fait vibrer son vieux corps. C'est ainsi qu'Avril fait son entrée dans une vie insipide et, avec elle, une bouffée d'aventure et de folie vient bousculer la routine morose de l'enfilade des jours. Mais du printemps, Avril n'a que le nom...
De Varsovie jusqu'à la Porte des Lilas, Edda-Francine avance sans avoir conscience de laisser une quelconque trace, même auprès de Roni, sa fille. Ses tribulations dans les bus, ses jugements railleurs, sa quête paradoxale sont racontés d'une plume tendre mais sans concession qui provoque un mélange de tristesse, d'agacement, de colère et de sourires. Entre Tatie Danielle et vieille dame indigne, le personnage de Francine remue des émotions contradictoires et nous interroge sur l'épaisse bulle de solitude et de secrets qui enveloppe chaque être au sein même des foules les plus importantes.
Il m'a semblé passer souvent du sombre au lumineux, du drame à la comédie et c'est probablement ce qui donne à Varsovie-Les Lilas ce côté si vivant, si juste dans les contrastes et l'entremêlement de sentiments opposés. J'ai aimé ce personnage qui avance comme pour ne pas tomber et qui, mû par une admirable pulsion de vie, ne s'avoue jamais vaincu et cherche inlassablement tendresse à donner et à recevoir.
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