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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"J'ai même vu, de mes yeux vu, la Sibylle de Cumes suspendue dans une fiole, et quand les enfants lui disaient : Sibylle, que veux tu ? Elle répondait : Je veux mourir."
( Pétrone, "Satiricon")

Amour, envie, joie, tristesse... il y a les sentiments et les états d'esprit qui restent toujours les mêmes, même si le monde continue à tourner et l'humanité continue son chemin. Et aussi le désespoir et la lassitude...
T.S. Eliot a choisi cette citation en 1922 comme ouverture de son "The Waste Land", un poème - lamentation... vivre en "terre vaine" est la même chose que d'être juste l'ombre d'un véritable être vivant.
La Sibylle de Pétrone, condamnée à l'immortalité et moquée de tous dans sa cage à Cumes dit "apothanein thelo" en grec; Gloria Beattie, sur le parquet d'un marathon de danse et sous les yeux des spectateurs avides dit "I wish I was dead" en anglais - mais ce sont les mêmes mots - "dans ce monde et dans ces conditions la vie n'a plus de sens".

"On achève bien les chevaux" est un roman court qui s'inscrit dans une époque bien précise - celle de la crise américaine après le "vendredi noir" au début des années 30.
McCoy connaissait bien (en tant qu'organisateur) les coulisses de ces "marathons" où les couples dansaient pendant des semaines entières (logés, nourris, avec une récompense de mille dollars qui se profile fugitivement à la fin). Sur le parquet on dansait, on mangeait, on se faisait soigner (de temps en temps on se mariait), on se soutenait mutuellement pour ne pas s'évanouir. Parfois aussi, on mourait.
Tout ça dans l'espoir de devenir le couple préféré du public, et dans le meilleur des cas, de se faire remarquer par quelque producteur hollywoodien.

Tel est le cas De Robert, qui entretient encore un semblant de rêve de devenir un jour metteur en scène. Il rencontre Gloria, une starlette rejetée, par hasard. Pour Gloria la vie ne vaut plus rien, c'est juste une image dans un miroir qui déforme le sourire en horrible grimace. Mais elle accepte d'accompagner Robert dans cette parodie d'amusement... alors, ils dansent - l'imbattable "couple 22"- en discutant de la vie d'une façon qui vous donne l'impression que la température autour de vous est en chute libre.
Il n'y a plus d'issue pour Gloria. Et Robert, dans sa brutalité, a quelque chose de terriblement noble - il ne veut pas mentir, il n'essaie plus de remonter le moral de sa partenaire en la persuadant qu'elle est différente de celle qu'elle pense être... Il l'aide seulement à "descendre de ce manège". Car on achève bien les chevaux par miséricorde...

Un contemporain (beaucoup plus célèbre) de McCoy a dit qu'une histoire, même toute simple (qui parle, par exemple, d'un vieil homme, de la mer et d'un gros poisson) et qui vient de la réalité, peut signifier des choses bien plus importantes que cette histoire elle-même. A condition qu'elle soit bien écrite.
Et dans ce sens, je pense que McCoy, avec son "petit" roman, a bien réussi.
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