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Critique de Oliv


Près de trois millénaires après Homère, de nombreux auteurs de fiction continuent d'écrire sur ce sujet inépuisable qu'est la Guerre de Troie. Ils peuvent s'intéresser plus particulièrement à un personnage secondaire (Cassandre dans "La trahison des dieux", Patrocle dans "Le chant d'Achille"), replacer les événements dans un contexte historique crédible (la trilogie "Troie" de Gemmell, "L'âge de bronze") ou les transposer dans un cadre de science-fiction ("Illium", "Le dernier Troyen")...

Colleen McCullough, qui n'a pas seulement écrit "Les oiseaux se cachent pour mourir" mais également la saga historique "Les maîtres de Rome", a pour sa part décidé de donner la parole successivement à plusieurs acteurs de la Guerre de Troie. Ce sont ainsi pas moins de seize personnages qui vont s'exprimer dans "Le Cheval de Troie" : des héros les plus célèbres (Achille, Ulysse, Hector...) aux habituels seconds couteaux (Diomède, Briséis, Automédon...) À première vue, cette bascule incessante dans la narration paraît judicieuse, car le changement de focalisation apporte un certain dynamisme au récit. Malheureusement, on ne tarde pas à se rendre compte que l'idée est assez mal exploitée, "Le Cheval de Troie" tombant dans le piège que devrait tâcher d'éviter tout roman choral : dans l'écriture, rien ne permet d'identifier les différents narrateurs ; le style, le vocabulaire employé, la tonalité ne varient pas en fonction des uns et des autres. Cette alternance des points de vue en reste donc à un niveau de gadget, qui n'a pas d'influence significative sur l'expérience de lecture. Dommage.

La quatrième de couverture, comme souvent, n'est pas avare de superlatifs et, comme souvent, on fait bien de s'en méfier. "Passion", "verve" : voilà précisément ce qui manque à l'écriture de Colleen McCullough. Le style est utilitaire, sans relief, dépourvu de la poésie et du souffle épique que l'on serait en droit d'attendre. Je ne sais pas si c'est par facilité, par manque d'ambition ou à cause d'un trop grand respect pour le matériau d'origine, mais le fait est que le roman se contente de rester bien sagement dans un chemin balisé. Le lecteur connaissant un minimum le mythe ne trouvera que peu de surprises dans ces pages. Parmi les rares audaces que se permet l'auteur, on notera une réinterprétation plus terre-à-terre du fameux épisode du talon d'Achille, ainsi qu'une astucieuse relecture de l'épisode sur lequel s'ouvre l'Iliade : la dispute lourde de conséquences entre Agamemnon et Achille. Pour le reste, la narration emprunte tous les passages obligés, généralement sans prendre le temps de se poser, comme lors d'une visite guidée menée au pas de charge. Si l'on peut raconter beaucoup de choses en 500 pages, ce n'est clairement pas assez quand il s'agit de raconter la Guerre de Troie, de ses origines à sa conclusion, en prenant soin de ne sacrifier aucun épisode connu.

Cependant, malgré les manques et les défauts de ce roman, j'ai de nouveau pris plaisir à parcourir la plaine de Troie en compagnie de héros de légende qui, tous, comptent parmi mes personnages littéraires favoris. Je crois que je pourrais lire cent versions du mythe troyen, plus ou moins réussies, plus ou moins fidèles à Homère, sans jamais ressentir de lassitude. À mon sens, "Le Cheval de Troie" est loin d'être la plus intéressante de ces réinterprétations modernes. Cependant, le choix d'une réécriture très traditionnelle, sans prise de risque de la part de son auteur, en fait peut-être celle que je recommanderais le plus volontiers aux lecteurs n'ayant pas osé s'attaquer à l'Iliade ou aux autres récits antiques mais qui voudraient se familiariser avec l'histoire de la Guerre de Troie.
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