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Critique de Oazi


Roman prometteur, le résumé était intéressant et laissait supposer des rebondissements. le roman s'assume comme à destination jeune adulte et annonce une romance « ennemy to lovers » dans un contexte à priori tendu, puisque l'on imagine que deux fils de chefs d'état peuvent difficilement sortir ensemble sans conséquences. On peut donc légitimement s'attendre à une histoire riche en péripéties.
Malheureusement, la lecture est très décevante et l'on se rapproche plus d'une fanfiction moyenne.

Les personnages d'abord, sont assez difficiles à apprécier. le personnage principal, Alex, n'est pas agréable à suivre. C'est un gamin pourri gâté, qui vit sans se soucier des conséquences puisqu'il n'en subit jamais les foudres. Mais son principal défaut reste son écriture : on sent que l'autrice aime son personnage et aimerait nous transmettre cela, mais se refuse à lui accorder des défauts ou au moins des aspérités. Alex n'a jamais eu de souci dans sa vie, mais l'on essaye de lui en trouver – un père vaguement absent, une surmédiatisation dont il profite pourtant largement, une enfance dans la classe moyenne et étant à moitié Latino, mais même la question du racisme ou de la pauvreté est mal exploitée (j'y reviendrai) et ne lui apporte donc pas d'épaisseur.
Henry est plus intéressant, particulièrement dans sa retenue, et ses doutes quant à son homosexualité sont plus légitimes et mieux amenés (malheureusement seulement pendant la première partie du roman).
Les autres personnages sont également difficilement appréciables car trop caricaturaux : la meilleure amie, Nora, est l'équivalent féminin d'Alex – sur tous les points, puisqu'elle est également bisexuelle (ce qui lui permet d'apprécier les plans à trois selon l'autrice qui doit donc considérer cela comme une bonne représentation). Sa soeur a assez peu d'intérêt, encore une fois c'est la soeur de toutes les fanfictions, tolérante et bienveillante pour son frère. D'ailleurs, Henry a exactement la même. le reste des personnages n'est pas beaucoup plus développé, et tous manquent de nuance. Les gentils sont tous tolérants, débordants de bon sentiment et sans aucun réel défaut, et les méchants sont intolérants et sans aucune qualité.

La romance en elle-même est plutôt agréable à suivre, bien que très loin du « ennemy to lover » promis puisque la question est réglée en deux-deux. Mais on sent les sentiments des personnages évoluer à un rythme cohérent (en tout cas dans la partie qui nous est présentée, si l'on excepte qu'en fait avant ils étaient déjà fous amoureux l'un de l'autre sans se l'avouer grâce à un échange de 2 minutes 30 des années plus tôt). La romance est sympa, son rythme agréable à suivre même s'il y a un manque de moments intimes : Alex et Henry ne se voient que pour s'envoyer en l'air (ce qui en soit n'est pas un problème puisque ce sont deux jeunes adultes en début de relation et probablement plein d'hormones, mais l'autrice écrit difficilement le sexe gay et leur fait répéter la même scène en boucle) sans autre activité à deux. Leur seul autre moyen de communication est par mail mais leur qualité est bien trop pauvre, ne s'approchant pas le moins du monde de la correspondance épistolaire romantique modernisée qu'on essaie que ce soit.

L'écriture est assez pauvre mais plutôt efficace, les pages s'enchaînent plutôt bien sans vraies longueurs.

En revanche, la cohérence est désastreuse. Toutes les décisions sont capillotractées pour arriver à mettre les personnages dans les situations voulues. Alex et Henry se détestent spontanément, on leur demande de jouer une comédie les obligeant à traverser régulièrement la planète là un simple démenti aurait suffit, on embauche de jeunes même pas diplômés dans l'équipe présidentielle (les enfants de la présidente et leur amie, puisque ce sont les plus qualifiés visiblement), aucun membre de leurs familles ou de leurs équipes de comm' ne se posent jamais la question des conséquences de leur relation… Autant d'éléments de facilité qui se retrouveraient dans une fiction Wattpad, mais que je trouve difficilement justifiables dans un roman édité.

Le dernier point noir, le plus important pour moi, c'est l'absence totale d'enjeux dans ce livre. Les protagonistes passent l'essentiel de leur temps à se cacher par peur des conséquences – ce qui est compréhensible au vu de la situation – mais en fait, pas besoin puisque l'action se situe dans un monde dans lequel l'homophobie n'existe pas. Magie ! Pas un seul habitant des États-Unis ou du Royaume-Uni n'est homophobe, à l'exception d'un ou deux méchants politiciens, et l'on peut être une personnalité publique et même politique de premier plan tout en ayant des relations homosexuelles sans que cela n'est la moindre conséquence. C'est une approche complètement erronée de l'homophobie : l'autrice nous présente cela comme une affaire individuelle (l'homophobie est réalisée par des personnes mal intentionnées), pas du tout comme un problème structurel, et c'est limite si les deux protagonistes ne sont pas bêtes d'avoir craint d'en subir. En fait, on est face à un problème que l'on retrouve fréquemment quand des femmes hétéros veulent dépeindre l'homophobie (j'écris femme parce que les hommes hétéros écrivent plus rarement des romances homosexuelles) , puisqu'elles ne savent pas en appréhender l'étendue. L'homophobie dans leurs romans est présentée comme des évènements (ici, un semblant de chantage/exposition par un rival politique, mais souvent une agression homophobe / le rejet des parents…), mais pas comme quelque chose qui s'ancre en nous et dans la société, et qui structure les relations entre hétéros et homos. La même chose est vraie pour le racisme, puisque les origines d'Alex pourraient donner lieu à une réflexion sur la question, mais non. C'est le problème des oeuvres qui souhaitent inclure des minorités en en faisant un acte politique sans adapter l'intrigue.
Et attention, je ne reproche pas à des romans (et surtout des romances pour ados) de ne pas être des essais politiques : il aurait parfaitement été possible de faire une romance gay avec un perso Latino sans aucunement parler d'homophobie ou de racisme. Mais ici, l'autrice veut en parler, et en faire une morale facile, mais ne sait pas le faire et aurait mieux fait de s'en abstenir.

Pour conclure, c'est un roman qui se lit très bien, qui possède de bonnes idées, mais dont l'écriture n'est pas du tout à la hauteur des enjeux qu'il prétend avoir.
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