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Critique de jullius


« Il y a là-dessous quelque chose, et tout cela n'est pas sans avoir un sens » (chapitre 7).

Mais il aura fallu attendre le centenaire de Melville, en 1919, pour que ce roman chahute les barques assoupies de la critique littéraire et qu'on daigne lui accorder toute l'importance qu'il mérite. A moins que celle-ci (la critique) n'accepte de revoir ses positions précisément parce que le monde des certitudes venait de connaître, par deux fois au moins, les eaux et le feu de la tempête, et avec eux, le naufrage et la ruine : celui du Titanic d'abord, en 1912, soulignant les illusions d'une domination de l'homme sur la nature. La Grande guerre ensuite, première d'ampleur mondiale, première de mobilisation totale, première des catastrophes, qui signa le comble de l'« absurdité » d'un modèle de domination de l'homme sur d'autres hommes.
Ne sont-ce pas là les deux grands pôles de ce roman monde ? N'est-ce pas là, le sens de cette aventure trop humaine ? Ne peut-on pas croire, c'est ma tentation (et peut-être mon erreur), qu'ici réside l'ultime leçon de cette encyclopédie littéraire : Achab comme portrait de l'homme arrogant (déjà dans l'ancien testament) acharné à vouloir régner sur ses hommes comme sur toute la création, sans même qu'il la connaisse : « La baleine est l'unique créature de ce monde dont nul portrait authentique ne sera fait jusqu'à la fin. de sorte qu'il n'existe pas de moyen terrestre qui vous permette de découvrir réellement de quoi a l'air une baleine » (chapitre 55). Alors, pour mieux justifier son élan, son projet, sa « raison », il s'en fait un ennemi, la cause de ses maux, le souffle haineux de ses mots. Et il vogue sur les flots d'une mer dont les beautés lui échappent, l'oeil rivé sur son rêve de gloire et de domination. Achab, ce faux prophète, ce roi tyrannique, qui fascine ses hommes par ses rêves chimériques autant que par sa violence, et les entraine dans sa folie.
L'homme semble pourtant pouvoir survivre à l'homme : Ismaël à Achab. C'est la lumière du récit de Moby Dick : « car le plus merveilleux et le plus terrifiant de ce qui est vraiment dans l'homme, ni mots ni livres n'y ont jamais touché jusqu'ici » (chapitre 110). Il est possible que Melville, ici, pèche par excès d'orgueil. Non pas que j'estime que La Vérité de l'Homme réside dans un livre saint ou dans un traité scientifique, pas plus que dans les tragédies grecques, le théâtre shakespearien ou le roman russe, anglais ou français contemporains de Melville, pour ne prendre que des exemples qu'il connaissait sans l'ombre d'un doute, mais précisément parce qu'elle y réside, par bribes, dans l'ensemble de ces pages : car de l'Homme il n'est jamais question : mais bien d'hommes, tout comme sur le pont du Pequod.
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