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Critique de mesrives


Salobral, Andalousie, à peine un point sur la carte, un village qui se meurt où les passages à trépas sont plus nombreux que les baptêmes puis, au-delà de la route tout au bout d'un chemin poussiéreux le domaine de Las Brenas où Julian Jaldon-Maldoneda, l'un des plus gros propriétaires terriens de la comarque, fait la pluie et le beau temps et, enfin derrière une rangée d'amandiers une vieille maison, que l'on peut deviner si on a l'oeil exercé, abîmée par le temps mais devenue le bastion d'Angie, Angela, l'étrangère, sa tanière.


C'est dans ce décor rude, difficile, écrasé de chaleur en été mais ruisselant de lumière qu'Olga Merino campe son héroïne, L'étrangère . Et on la suit très vite, Angie, cette femme qui vit chichement en compagnie de ses chiens, le récit est porté par sa voix. Angie ne cherche pas les embrouilles, c'est une taiseuse et avec toutes les casseroles qu'elle traîne déjà, Angie n'a pas du tout envie qu'on la lui conte à l'envers. En effet après une longue absence Angie de retour au pays cristallise toutes les attentions, les rumeurs et fantasmes. Alors elle, la fille des Marotos, la tarée d'El Hachuelo, la folle qui parle avec les morts, déjà cabossée par la vie en oublie presque sa féminité pour mieux se confondre dans cet univers agricole et masculin. Mais voilà qu'un lundi, lendemain d'un jour de picole au  «  bar des bizarres », avec Ibrahima, l'un de ses rares camarades, ils découvrent le corps de Don Julian pendu à la branche d'un noyer ! Il est vrai qu'ici plus qu'ailleurs dans ce coin oublié d'Espagne où superstitions et traditions vont bon train un suicidé en appelle toujours un autre ou lui répond ...


Un texte dense, riche où le passé percute en cadence le présent, les résurgences de souvenirs qui éclairent le chemin de vie d'Angie, une solitaire venue s'ancrer dans son village natal pour chercher le silence et mieux sonder les profondeurs de son âme. Car oui elle a besoin de se reconstruire Angie, elle est encore poursuivie par le fantôme de son amant, un peintre anglais avec qui elle a vécu une passion dévorante à Londres, l'homme qui lui a appris les tonalités des couleurs et les jeux de lumière mais il y a aussi les maillons cachés, perdus ou oubliés de son histoire et généalogie familiales qu'elle doit retrouver, déterrer pour aller de l'avant.


L'écriture d'Olga Merino abrupte, réaliste et poétique sert à merveille le récit, les éblouissements et les visions impressionnistes d'Angie dessinent de magiques tableaux, les scènes de la vie quotidienne partagée avec les ouvriers saisonniers, dans les champs d'olivier en particulier, sont criantes de vérité ainsi que l'évocation de leurs conditions.

Avec L'étrangèreOlga Merino signe le portrait d'une femme indépendante, en marge, éprise de liberté, une femme qui ne se résigne pas et mobilise toute son énergie et ses forces pour vivre et assurer sa survie. Un combat inégal qui dépasse le genre et le cadre personnel en devenant le combat d'un être humain qui décide d'exister à part entière en assumant ses choix loin des diktats imposés par la société.

L'étrangère nous emporte en Andalousie sur une terre aride et incandescente. de la puissance du vent essaimant les parfums de garrigue aux buissons épineux laissant de profondes cicatrices, Olga Merino insuffle à ce roman noir un reflet naturaliste et un grain de folie dont le final est un feu d'artifice.

Je remercie Toulouse Polars du Sud et Jean Luc Laherrère d'avoir remis à l'honneur pour sa 14ème édition Olga Merino en la sélectionnant pour le prix Violeta Negra 2022, l'occasion de la (re)découvrir bien qu'elle ait participé à la rentrée littéraire 2021 aux éditions Dalva.
L'étrangère (La forastera) est pour le moment le seul roman disponible en français de cet auteur et je remercie Aline Valesco pour la traduction.

Un coup de coeur. Une belle surprise .
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