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Critique de motspourmots


"Vicieux", "sordide", "vulgaire", "amoral", "une vision de la vie digne d'un tabloïd" : voici quelques uns des charmants commentaires qui accueillirent la parution de Peyton Place en 1956 comme le révèle la passionnante postface écrite par Ardis Cameron, professeure et auteure d'une "biographie" de Peyton Place. Car ce livre fut un véritable phénomène qui révolutionna l'édition aux États-Unis, le premier best-seller de l'histoire, condamné par la critique moralisatrice mais encensé par le bouche à oreilles, un pavé que les femmes et les adolescents lisaient en cachette et dont ils connaissaient certains passages par coeur.

Sa réédition est l'occasion de le redécouvrir et de se sortir de la tête l'éventuel souvenir laissé par la série télévisée éponyme diffusée dans les années 60, début 70. Ardis Cameron nous apprend en effet comment le livre a été vidé de sa substance pour livrer un feuilleton mièvre et beaucoup plus conforme à la morale américaine. L'auteure, morte à 39 ans n'étant plus là pour s'y opposer, il semble que la série ait été un véritable contre-sens par rapport au livre. J'étais un peu jeune à l'époque et je ne me rappelle pas grand-chose à part des visages de Mia Farrow et de Ryan O'Neal. Mais ce feuilleton fut l'un des premiers qui scotcha les téléspectateurs devant leur poste pendant cinq ans... Bien avant Desperate Housewives et consoeurs.

Acheté par curiosité, ce livre m'a fait passer un excellent moment et m'a laissée estomaquée face au culot de l'auteure lorsque l'on se souvient de l'époque et de la région dont elle parle, la Nouvelle-Angleterre, puritaine et bien-pensante. Elle fait de la petite ville de Peyton Place le théâtre de l'observation de toutes les turpitudes humaines : jalousies, rancoeurs, faux-semblants, hypocrisie, névroses, tout ceci sur fond de lutte des classes. Elle traite de sujets brûlants tels que la sexualité, l'inceste, le viol, l'avortement. Et surtout, elle offre aux femmes une vision hautement féministe via ses trois personnages principaux qui sont autant d'exemples d'accomplissement d'elles-mêmes. Entre 1937 et 1945, on suit avec délice les péripéties de cette petite communauté où tout se sait mais qui cache encore quelques secrets. Comme celui de la naissance d'Allison McKenzie dont la mère, Constance tente de préserver l'innocence - en même temps que sa réputation - le plus longtemps possible. Ou celui du calvaire enduré par par la jolie Selena Cross. Une communauté régie par la lutte des classes orchestrée par une sorte de magnat de l'industrie bien décidé à maintenir les privilèges des nantis. Une communauté divisée par la présence de deux églises - catholique et protestante - dont les fidèles sont toujours prêts à se critiquer les uns les autres. Une petite ville comme une autre avec ses vieillards postés sur un banc, son cercle de notables, ses fils à papa, ses ambitieuses en quête d'un riche mari, ses alcooliques et ses mal-logés.

Avec un sens de la narration terriblement efficace, Grace Metalious ose suggérer aux femmes qu'elles ont droit à une sexualité épanouie et que la question de savoir si amour et sexualité sont liés n'est peut-être pas essentielle. En cela, les parcours de Constance et Allison sont très instructifs et ont dû inspirer des générations de lectrices.

Oui, Peyton Place est un brûlot qui dénonce, avec talent, les faux-semblants d'une certaine Amérique. C'est surtout un excellent roman qui n'a pas pris une ride et se lit avec un plaisir qu'il serait fort dommage de bouder.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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