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Critique de HundredDreams


Voici un premier roman de voyage, de nature et d'aventure, d'amitié et d'amour que propose Nathaniel Ian Miller, un récit à la fois sombre et douloureux qui nous emmène dans l'incroyable épopée d'un finlandais parti vivre dans l'archipel du Svalbard, à mi-chemin entre la Norvège et le pôle Nord.
Repéré grâce au beau billet d'Anne-Sophie (@dannso), je n'ai pas hésité à le sélectionner lors de la dernière masse critique. Je remercie Babelio et les éditions J'ai lu pour leur envoi.

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Le personnage de Sven Ormson est librement inspiré de la vie d'un homme qui a réellement existé et dont on ne sait que peu de choses. Biographie fictive, roman initiatique, récit de survie, l'histoire est bien souvent dure, plombante, mais également parfois traversée par des instants de grâce, à la fois touchants et lénifiants.

Enfant passionné par les récits de marins et d'expéditions polaires, Sven rêvait de voyager dans le cercle arctique, d'être un aventurier, de vivre dans le froid arctique et de parcourir ces immenses étendues sauvages.
En grandissant, ce rêve ne le quitte pas. En effet, la vie qu'il mène à Stockholm ne le satisfait pas, il n'est pas heureux, ni dans sa vie personnelle, ni dans sa vie professionnelle. Oppressé par un quotidien insipide et étouffant, il se laisse convaincre par une offre d'emploi dans les mines de charbon que sa jeune soeur Olga déniche pour lui. Il part en 1916, à l'âge de 32 ans, pour le camp minier sur l'île du Spitzberg, un endroit reculé où les paysages sont aussi spectaculaires que la nuit polaire est longue. Là, règne en maître l'ours polaire et les attaques de ce grands prédateurs sont loin d'être rares.
Après quelques mois de travail pénible et peu gratifiant, une explosion dévaste les galeries de la mine. Sauvé de justesse, son visage est néanmoins abîmé à jamais. Ne supportant pas le regard insistant, apitoyé ou révulsé des gens, ne se sentant pas à sa place dans le monde des hommes, il décide de s'éloigner encore davantage de la civilisation et de gagner sa vie en apprenant le métier de trappeur dans un fjord inhabité.

Est-ce le destin, la malchance, de mauvais choix ou des rêves d'enfance qui vont le pousser toujours plus loin dans l'isolement et y trouver peut-être ce qu'il recherche le plus, un sens à sa vie ?

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« L'odyssée de Sven » est bien entendu un roman d'exploration, de survie, de partage, de transmission et de dépassement de soi, mais cela serait très restrictif de le cantonner à uniquement cela : c'est aussi un roman introspectif et profond, celui d'un homme discret devenu solitaire par la force des choses, un homme sensible et touchant qui a le sentiment d'être différent, d'un homme profondément humain, capable d'une grande résilience.

C'est un beau roman sur la souffrance, la solitude, le désespoir, mais également sur l'amitié et l'amour, l'acceptation de soi et des autres.

« On n'imagine pas les tours que l'esprit peut jouer, quand il est privé d'une écoute humaine.
Mais il n'y avait rien à faire. J'étais esclave de la solitude. Elle flottait au-dessus de moi comme une lune malveillante, croissant et décroissant, mais toujours exerçant son attraction, maîtresse au coeur dur de toutes les marées. »

La vie, parfois, prend des chemins bien détournés pour nous apporter ce qui nous manque cruellement. D'autres fois, elle est versatile et reprend tout. Mais c'est dans cette vie solitaire et précaire à laquelle il se condamne qu'il va faire les plus belles rencontres : Tapio, un trappeur socialiste finlandais qui lui apprend le trappage et l'éthique de la chasse ; l'excentrique Charles MacIntyre, un géologue écossais, amoureux de musique et des livres. Il y a aussi Eberhard, son merveilleux compagnon à quatre pattes. Et puis, encore d'autres personnages que je vous laisse découvrir.

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Ces paysages désolés et monochromes sont à l'image des hommes, à la fois rudes, austères et d'une beauté à couper le souffle.
J'ai aimé me promener dans cet archipel où se concentre une très grande population d'ours polaires, parcourir des yeux les fjords cristallins, explorer les immenses glaciers, écouter le bruit de la glace qui craque, être le témoin de la magie des aurores boréales, contempler les premiers rayons du soleil mettant fin à la longue nuit polaire.

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C'est un roman assez long d'environ 500 pages qui étend sa trame historique dans la première moitié du XXe, de 1916 à 1947 : il englobe les deux guerres mondiales ainsi que la révolution russe.
Je ne savais pas comment les grands conflits européens avaient pu toucher cette partie du monde et j'ai trouvé très intéressant de lire, à travers la vie de Sven et ses amis, comment ont été vécues toutes ces années de conflits.

« J'en ai vu assez pour savoir que rien n'est probable, mais tout est possible. »

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La plume de Nathaniel Ian Miller est instructive, touchante, allant chercher les émotions.
Mais je ne sais pourquoi, j'ai eu du mal à entrer dans le livre, à vouloir y rester. Mon ennui est peut-être venu de la lenteur de la première partie, du ton maussade et dépressif du narrateur ? Ou peut-être n'était-ce tout simplement pas la lecture idéale lorsque l'on est malade ?
Mon intérêt s'est réveillé sur le tard, avec l'arrivée de personnages singuliers amenant plus de rythme, de rebondissements, de chaleur et d'émotions ; mon attention s'est d'autant plus renforcée lorsque l'histoire mondiale est entrée en résonnance avec leur vie.
Le ton, lourd et déprimant, évolue aussi au fil du récit, pour devenir doucement ironique et gentiment moqueur, laissant voir un homme bon et attachant, marqué par les aléas de sa vie.

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Après avoir tourné la dernière page, « L'odyssée de Sven » est en définitive un bon roman : pour son cadre dépaysant fascinant de beauté et de magie, pour certains de ses personnages subtilement dessinés, pour l'écriture de Nathaniel Ian Miller qui allie une grande sensibilité et des émotions retenues. Les hommes ne sont pas caricaturaux, au contraire, face aux drames de la vie, ils sont pleins de nuances et de fêlures.
A découvrir.
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