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Critique de Kirzy


Kirzy
29 septembre 2021
Rentrée littéraire 2021 #31

« Je ne devrais pas être là, je devrais être à l'école, de l'autre côté de l'océan. (…) Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Les gens souffrent, les gens meurent. Des écosystèmes entiers s'effondrent, nous sommes au début d'une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c'est de l'argent et du conte de fée d'une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? Depuis plus de quarante ans, la science est claire comme du cristal. Comment osez-vous regarder ailleurs et venir ici en prétendant que vous en faites assez ? (…) Greta Thunberg au siège des Nations-Unies en septembre 2019.

C'est avec beaucoup de tranchant que Lydia Millet aborde frontalement la crise climatique du point de vue des jeunes à travers sa narratrice Evie, une quinzaine d'années, et toute une petite troupe d'enfants et d'adolescents dont les parents, tous issus d'une classe sociale privilégiée culturellement et financièrement, ont loué une grande demeure pour les vacances d'été. Son roman s'ouvre dans une ambiance presque intemporelle et hédoniste de jeux, de cabanes dans les arbres et autour d'un lac ... jusqu'à ce que ne surgisse les smartphones et nous ramène au monde d'aujourd'hui. le scepticisme et l'arrogance adolescente semblent toute familières, faisant des premiers chapitres une comédie sarcastique. C'est cru, dérangeant même de voir ses jeunes faire sécession, bannir de leur vie leurs parents aux comportements ineptes pour former un clan à part, déjà autosuffisant.

Puis le roman se métamorphose et bascule dans un Sa Majesté des mouches dystopique lorsque une tempête apocalyptique transforme les vacances d'été en puissance allégorie. Les intentions de l'auteur sont très claires : incarner la colère des jeunes qui blâment l'inaction et de l'incurie des générations précédentes qui n'ont pas su changer leur mode de vie. Lydia Millet questionne très justement sur la parentalité. Est-ce que le rôle des parents se résume à élever, éduquer, apporter un confort matériel immédiat ? Ou être un vrai parent, c'est avant tout comprendre que l'avenir de ceux dont ils ont la garde doit être préservé et agir en conséquence ? C'est saisissant de voir les parents plongés dans la panique et sombrer dans l'alcool, l'adultère et la dépression au lieu de tenter de relever le défi de la tempête. C'est troublant de voir les enfants se débrouiller seuls, explorer leur territoire ravagé et résoudre des problèmes en utilisant la raison.

Le titre originel est « A Children's Bible » et suggère un jeu de piste pour repérer les références bibliques. Bien sûr, on repère des parallèles entre le récit de l'Ancien Testament et les calamités qui s'abattent sur les personnages de Lydia Millet. Mais ce ne sont que des échos qui faussent toutes nos repères, n'induisant à aucun moment fatalisme ou messianisme. Si Jack, le petit frère d'Evie, se sert de sa Bible pour enfants comme d'un manuel de survie improvisé, il reste partisan méthodique de la science. Jusqu'à un beau dénouement qui suggère que l'Art et la Science sont essentiels à la survie de l'Homme, prenant à contre-pied nombreuses théories politico-religieuses qui ont cours aux Etats-Unis.

Le roman est intellectuellement très satisfaisant par sa réflexion douloureusement tonique et stimulante sur le conflit générationnel autour de la question du réchauffement climatique. Je suis cependant restée en surplomb de ce texte que j'ai trouvé très froid alors qu'il bouillonne d'idées et d'intelligence. Peut-être parce que par moment, son hermétisme m'a éloigné, peut-être aussi parce que je me suis attachée à aucun personnage, même par les enfants. Cette insensibilité ressentie tout au long de la lecture m'a un peu dérangée car j'aurais voulu me sentir plus proche d'eux.
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