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Critique de LydiaB


Arnolphe, dit M. de la Souche, désespère de pouvoir trouver un jour son bonheur sur le plan conjugal. Il considère les femmes comme des êtres frivoles, dénuées de bon sens. Il a peur d'être cocufié. Il pense ainsi que la meilleure solution serait d'en épouser une ne connaissant rien au monde et à ses perversions. L'ingénue est toute trouvée puisque sa pupille, Agnès, a été élevée dans un couvent. Mais bien évidemment, rien ne se passe comme prévu. Agnès n'éprouve absolument rien pour lui et s'est entichée d'Horace, le fils d'un ami de son tuteur, Oronte.

Si cette pièce a obtenu un franc succès, on peut également imaginer à quel point elle a dû choquer. Car sous des dehors naïfs, la petite Agnès cache un autre caractère. Une scène (acte II, sc. 5) montre à quel point elle peut faire tourner Arnolphe en bourrique. Lorsqu'il lui demande quelles sont les nouvelles, elle lui dit que le petit chat est mort. Bon, certes, c'est bien malheureux pour la pauvre bête, mais elle se garde bien de lui dire qu'elle a vu Horace. Arnolphe est obligé de lui tirer les vers du nez car elle ne répond que par de petites phrases. Peur d'en dire trop ? Et puis, il y a ce passage, fabuleux, lorsqu'elle lui annonce, toujours aussi naïvement (mon oeil ! ) qu'elle a vu Horace et qu'elle ne comprenait pas lorsque la voisine disait qu'elle l'avait blessée. Elle voulut aussitôt réparer sa faute :


Agnès.

Voilà comme il me vit, et reçut guérison.
Vous-même, à votre avis, n'ai-je pas eu raison ?
Et pouvois-je, après tout, avoir la conscience
De le laisser mourir faute d'une assistance,
Moi qui compatis tant aux gens qu'on fait souffrir
Et ne puis, sans pleurer, voir un poulet mourir ?

[...]

Arnolphe.

Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.



Agnès.

Hélas ! si vous saviez comme il était ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le vi,
Le présent qu'il m'a fait d'une belle cassette,
Et l'argent qu'en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l'aimeriez sans doute et diriez comme nous...


Arnolphe.

Oui. Mais que faisait-il étant seul avec vous ?


Agnès.

Il jurait qu'il m'aimait d'une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l'entends parler,
La douceur me chatouille et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.


Arnolphe, à part.

Ô fâcheux examen d'un mystère fatal,
Où l'examinateur souffre seul tout le mal !
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?


Agnès.

Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n'était jamais las.


Arnolphe.

Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
(La voyant interdite.)
Ouf !


Agnès.

Hé ! il m'a...


Arnolphe.

Quoi ?


Agnès.

Pris...


Arnolphe.

Euh !


Agnès.

Le...


Arnolphe.

Plaît-il ?


Agnès.

Je n'ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.


Arnolphe.

Non.


Agnès.

Si fait.


Arnolphe.

Mon Dieu, non !


Agnès.

Jurez donc votre foi.


Arnolphe.

Ma foi, soit.


Agnès.

Il m'a pris... Vous serez en colère.


Arnolphe.

Non.


Agnès.

Si.


Arnolphe.

Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu'est-ce qu'il vous a pris ?



Remarquez à quel point elle le fait attendre, à quel point ses paroles sont ambiguës. Tous les sous-entendus peuvent se percevoir, ce qui induit le barbon en erreur. Et après, on me fera croire que cette Agnès est une ingénue ? Je pense que Molière a joué justement avec cela. Et c'est bien d'ailleurs ce qui lui vaudra le courroux de ses détracteurs (vous me direz, quand on veut trouver quelque chose à redire, on trouve toujours) qui estimaient que les bienséances n'étaient pas respectées, qu'il y avait trop d'obscénités. Bref, pour revenir à notre Agnès, elle finit quand même enfin par lâcher :



Agnès.

Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné.
À vous dire le vrai, je n'ai pu m'en défendre.


Arnolphe, reprenant haleine.

Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S'il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.


Agnès.

Comment ? est-ce qu'on fait d'autres choses ?



"Est-ce qu'on fait d'autres choses ," ose t-elle répondre !!! Allez, je sais bien qu'elle a été élevée dans un couvent mais quand même ! Ah, il est fort ce Molière, très fort ! Et sous une apparente simplicité se cache là quelque chose de mordant, de féroce. Qu'on vienne après me dire que Molière, "c'est trop gnan gnan !"

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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