AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sio


Sio
20 novembre 2013
Huit nouvelles, autant de fragments de vie de ces personnages, engagés (comme tout un chacun) dans l'existence laborieuse et familiale la plus banale.

Il y a cet employé passionné de faits divers qui rêve d'écrire, cet industriel qui s'est hissé au sommet à la force du poignet, cette ouvrière idéaliste qui va se faire licencier, ou cet homme qui ne rêve que du meilleur carburant pour sa R5. Tous pleins de lubies, les personnages s'y accrochent comme ils peuvent ; pas tellement pour fuir ce monde, mais plutôt pour conserver le minimum d'enchantement nécessaire pour le rendre supportable, ce que tout un chacun peut comprendre. Combatifs, rêveurs, inquiets, légers, enthousiastes, ils s'éloignent un temps de la route qui leur est tracée en quête d'une autre vie, de petits extras enivrants, ou de grands sentiments.

Au travers de ces huit nouvelles, Stéphane Monnot fait montre d'un talent protéiforme : à l'aise aussi bien dans l'humour, dans le suspense, dans la science-fiction ou dans l'horreur, l'auteur fait voyager le lecteur dans des univers très différents, alors même qu'ils ont la même base – des protagonistes embourbés dans leur vie. Fait assez rare pour être signalé, les huit nouvelles du recueil sont de la même qualité, et ce quel que soit l'univers littéraire abordé. Stéphane Monnot dévide ses histoires d'un style d'une grande fluidité, précis, et avec une concision extrême : pas de longueurs, pas de redites, on va droit au but et les nouvelles sont très efficaces, souvent drôles, parfois désabusées, mais toujours bien tournées. On est transporté, on tremble, on attend, on est embarqués aux côtés des personnages. « Patchwork facial » vous fera voir la mode d'un autre oeil : le récit fait froid dans le dos, et l'auteur mêle avec une grande habileté thriller, science-fiction, et portrait de société. « Méandres », de son côté, est une véritable descente aux enfers et croque les personnages avec autant de réalisme que de cynisme. « Un ange passe » nous emmène sur les traces d'un jogger halluciné aux courses proprement hallucinantes, mais doublées d'une profonde réflexion philosophique présentée avec grand art. L'auteur signe un très beau texte sur le monde de l'usine dans « Pauline Love Polly Jean », avec un bel hommage au rock, tout en faisant un subtil écho à « Un ange passe ». Noche Triste, c'est aussi tout un jeu d'inter-références entre les textes : tel détail est rappelé, déjà cité ici ou là, et cela construit un univers global très dense ; les textes ne sont pas gratuits, ils appartiennent à un tout plus cohérent.

Certaines nouvelles, bien sûr, remporteront votre préférence : peut-être « Noche triste », nouvelle-titre qui ouvre le recueil, et qui donnerait envie aux lecteurs allergiques au football de se précipiter sur les billets du prochain match dans l'ambiance électrique y est bien retranscrite ! Ou peut-être « Petit périple au Mexique », dont le récit proprement savoureux clôt avec brio le recueil –et qu'il faut absolument lire en dernier.

Avec Noche Triste, Stéphane Monnot signe un très beau recueil de nouvelles : concises, précises, efficaces, les nouvelles portent et transportent un lecteur enthousiasmé. Plein d'humour (souvent noir), d'ironie, et traçant d'un style fluide les portraits de personnages parfois un peu désabusés, Noche Triste est un recueil très émouvant et enthousiasmant. On est souvent touchés par ces personnages très humains et remarquablement campés par la plume de l'auteur. Les ambiances sont soignées, le style maîtrisé, les récits dynamiques et d'une grande efficacité : en somme, Noche Triste est un vrai petit bijou, et il serait dommage de s'en priver plus longtemps.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}