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Critique de enjie77



« Il écrit que finalement tout contact entre les hommes est un hasard pas très éloigné du message trouvé dans une bouteille flottant au milieu du Pacifique. Ecrire revient à lancer des bouteilles à la mer avec le maigre espoir que quelqu'un les trouve. Il écrit que sa véritable vocation est la parole mais que les voies permettant de la réaliser se ferment chaque fois plus devant lui. Les amis ne l'écoutent pas avec toute l'attention qu'il désirerait hormis quelques exceptions remarquables qui n'assouvissent pas ma soif de dialogue. Il écrit que cela l'oblige à se réfugier dans l'écriture puisque par malheur il est unique et seul. »

J'ai repris les lignes écrites par Comète qui donne un aperçu de cet « homme de parole » et des réflexions qui émaillent ce récit. Comète ne terminera jamais ce livre mais souhaitait-il l'achever ?

Lui, professeur de philosophie et elle, écrivaine, surement professeur de langues, se seront aimés pendant seize ans avant qu'une attaque brutale foudroie Comète.

Comment vivre sans lui, comment faire face à ce vide qu'il a laissé, lui, qui savait si bien lui transmettre l'étincelle de vie, elle qui s'est toujours ennuyée dans ses relations amoureuses avant lui, avant leur rencontre. Elle repense à la phrase que sa mère lui disait lorsqu'elle était enfant « ne pas mettre ses oeufs dans le même panier ». Oui mais voilà, Lot est en quête de l'Amour absolu, cet amour qui vous nourrit chaque jour, intellectuellement, spirituellement, affectivement, amicalement, physiquement, loin des clichés véhiculés par l'époque : le partage des tâches, des responsabilités, ce n'était pas pour elle. Sa pensée se faisait plus complexe, elle désirait que cet homme possédât une vie intérieure luxueuse, une atmosphère intime unique par laquelle se laisser contaminer et éventuellement partager.

J'aime bien sa métaphore « un panier dans lequel elle mettrait tous ses oeufs ».

Qu'y a t-il de mieux que les mots, que l'écriture, qu'une combinaison de mots pour redonner vie à Comète, lui redonner le souffle défiant la mort, cette lumière qu'il savait si bien lui transmettre. Lot entreprend d'écrire leur histoire. Seize ans de vie commune, seize ans d'instants partagés, seize ans de bonheur à le regarder vivre, à l'écouter parler, lui professeur de philo qui laissera une empreinte indélébile sur ses amis, ses collègues et ses élèves mais aussi sur leur fille. Comète avait tout d'un personnage romanesque, il arrivait même à nager sur l'eau aux dires de ses parents !

C'est ainsi que défilent ces instants précieux sous nos yeux, leur rencontre, leurs amis, Comète prend vie sous nos yeux, il renait de ses cendres. Lot alterne un chapitre au passé qui raconte leur couple à la troisième personne et un autre chapitre au présent qui se veut dans l'instant, une voix qui parle de l'instant présent, subtilement, parfois avec humour, d'une grande pudeur sans jamais tomber dans l'emphase mais tout en évoquant le long chemin du deuil, son parcours pour parvenir à combler l'absence.

Le bonheur de Lot se tient dans un livre : celui dont il avait entamé l'écriture et dans lequel, Lot le retrouve. C'est dans ses mots à lui qu'elle peut accéder directement à sa pensée. Ce n'est pas n'importe quel livre, non, c'est son livre, celui qu'il a laissé inachevé comme une empreinte dans le sable et dont on perd la trace à un moment donné. Alors, il faut en reprendre la lecture pour s'imprégner plus profondément de sa pensée, de sa présence qui émane de ses réflexions.

Imma Monso est linguiste et c'est une évidence. Elle aime les mots et tout au long de ma lecture, je me suis laissée bercer par la mélodie de ses mots, c'est un peu comme la lecture d'une partition. Jamais je ne me suis sentie attristée par son récit mais je reconnaissais les étapes du deuil, de celui que l'on fait pas à pas, jour après jour, on se remémore tout en cherchant la juste mesure entre oubli et souvenir. C'est un très beau récit écrit par une femme mature qui maîtrise totalement l'art de l'écriture, qui ne tombe dans aucun piège de la romance. C'est un récit somptueux comme seule une amoureuse des mots peut nous en offrir. Certains passages sont d'une grande poésie, je les ai relus pour le plaisir mais c'est aussi une méditation sur l'absence, sur le deuil.

« Un tissu de mots ressemble à un oignon qu'on ne finirait jamais de peler. On peut y revenir sans cesse, on continuera toujours de l'éplucher. Sans jamais trouver la chair sanguinolente. Il contient une infinité de possibilités. C'est l'oignon interminable. L'oignon infini. Ce qui ressemble le plus à une tranche de vie. Son livre sera, pour nous, (ndl : Lot et sa fille) un sacré oignon. »

Clin d'oeil à Booky dont j'ai suivi le conseil et suis bien d'accord avec elle, décidément ces auteurs espagnols ont vraiment du talent, ils sont au top de mes auteurs préférés.

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