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Critique de colimasson



Le trait, les dessins et les couleurs sont magnifiques. Mâtinés aux influences revendiquées de Kafka, d'Orwell et de Carroll, impossible de ne pas résister aux attraits de L'inscription. C'est beau, séduisant, ça attire l'oeil et le lecteur naïf qui se laisse gober sans opposer la moindre résistance. Malheureusement, une fois passé le ravissement esthétique des dessins et des couleurs, il ne reste rien. Citons l'exergue d'André Breton comme le meilleur passage du livre :

« La rébellion porte sa justification en elle-même. Tout à fait indépendamment des chances qu'elle a de modifier ou non l'état de fait qui la détermine. Elle est l'étincelle dans le vent, mais l'étincelle qui cherche la poudrière. »

Cet exergue annonce le thème : la rébellion. le reste du livre tentera d'approfondir le sujet, incarné en la personne de Caroline Montbrasier. Ici, les rebelles ne se révoltent étrangement pas contre les carcans qui les assignent toujours à la place des artistes solitaires, oiseaux rêveurs incompris que les horaires et les costards rebutent. Caroline, figée dans son rôle bouffon de poète, aime bien lire Alice au pays des merveilles, le soir, avant de s'endormir. Elle ne se coiffe pas très bien, et en plus de ça, elle n'a pas trop envie d'aller travailler. Elle souffre certainement d'un syndrome paranoïaque aigu car elle croit que tout le monde la déteste à cause d'un épi rebelle qu'elle a sur le crâne. Un de ses amis, psy à ses heures, lui conseille de s'inscrire dans la « réalité », subtile métaphore d'un monde de brutes que Caroline refuse. Pourtant, Caroline ne boude pas longtemps et finit par rencontrer « l'inscripteur », un monsieur forcément brutal qui n'aura de cesse de vouloir plier la jeune poète aux exigences de la société. Il lui faudra tout d'abord couper sa mèche folle, et un grand pas sera accompli. Il lui faudra ensuite abandonner ses convictions politiques, trouver un travail et devenir jolie. Les références sont lourdes et témoignent d'une indigestion médiatique. Chantal Montellier ne cesse d'évoquer le « travailler plus » de Sarkozy, qu'elle transforme ici en dictateur digne des meilleurs Big Brother. Entre autres sujets d'indignation modernes, elle cite Carla Bruni en archétype de la femme parfaite et s'acharne sur elle avec une virulence qui se trompe parfois d'objet. N'oublions pas le téléphone rose comme reflet d'une société obsédée par le sexe et grossièrement inhumaine. Dans tous ces exemples, Chantal Montellier s'acharne à dénoncer uniquement les produits d'un système, sans chercher à remonter à leur source et à approfondir sa critique.

On sent que les intentions de Chantal Montellier sont louables. Dénoncer l'uniformité revendiquée par les média de masse est un projet noble, encore faut-il qu'il soit bien mené. Ce n'est pas le cas de L'inscription qui regorge de contradictions laissant à penser que derrière la virulence acharnée de Chantal Montellier se cache une envie maladive et non assumée d'appartenir à cette société qui réussit à faire l'éclat de quelques personnes sélectionnées. L'attaque contre la médiocrité se fait par la médiocrité et use souvent de poèmes que Chantal Montellier avait dû écrire en cours de maths lors de son adolescence :

« Au-dessous du monde, sous le poids des pachydermes en chemises acryliques, oeillères sur leurs minuscules yeux myopes, je cherche en vain l'entrée vers le rassurant troupeau gris. »


L'attaque contre la conformité se fait par la conformité, que celle-ci se retrouve dans la description de la personnalité de Caroline, figure romantique du 19e siècle, artiste maudit qui écrit des poèmes, ou par le martèlement intempestif de ce que nous n'entendons déjà que trop dans notre vie quotidienne (« travailler plus », midinettes, cul, télé, hommes d'affaires, argent…). Il me semble qu'une rébellion sincère ne se revendiquerait pas aussi ouvertement, et pour relever la carence de la prétendue marginalité de Caroline, on pourrait citer Tchouang Tseu : « Qui a conscience de sa folie n'est pas bien fou ».
Qu'est-ce donc que cette bonne conscience qui fait croire que la révolte est le produit d'une pensée sur une autre, et non pas l'achèvement d'une réflexion personnelle à laquelle L'inscription ne peut inévitablement pas conduire ?


Lien : http://colimasson.over-blog...
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