Dès le premier vivant, la vie a choisi de se multiplier : la scissiparité des unicellulaires, puis la sexualité des plantes et animaux, tout ce qui est vivant doit se multiplier.
C’est la mort qui a stimulé la vie à se reproduire, à se multiplier, à protéger ses germes et ses œufs.
(page 76)
« Ceux qui projettent leur raison sur l’univers tendent à considérer l’irrationalité comme illusion d’ignorants et, devenant ainsi eux-mêmes irrationnels dans l’illusion rationaliste, tendent à devenir aveugles aux irrationalités du monde. »
État mystique : dans son premier sens grec, ce qui relève de la connaissance des mystères ; sentiment d’entrer, au-delà du voile des apparences, dans une idenfication/fusion avec la plus haute des réalités ; l’état mystique donne un sentiment d’unité et d’harmonie. En ce qui concerne l’auteur, sentiment très fort du mystère de ce qui est, « le mystère quotidien de nous-mêmes et du monde », disait Wladimir Jankélévitch. Je ne résiste pas à l’envie de citer une phrase curieuse de Freud dans une lettre à Adameck : « Tout individu intelligent a bien une limite où il se met à devenir mystique, là où commence son être le plus personnel ».
Le mystère ne dévalue nullement la connaissance qui y conduit. (…) Il nous demande d’assumer notre aspiration à la joie et à l’extase qui nous donne le sentiment (illusoire ? véridique ?) de nous unir à la sublimité innommable qui nous transcende.
Il nous fait comprendre que vivre est une navigation dans un océan d’incertitudes avec quelques îlots de certitudes pour s’orienter et se ravitailler.
L’allumette qu’on allume dans le noir ne fait pas d’éclairer un petit espace, elle révèle l’énorme obscurité qui nous entoure.
Nos vies sont polarisées entre prose et poésie. (…) La prose de la vie concerne les obligations, contraintes ou nécessités que nous exécutons sans plaisir. La poésie se manifeste dans tous les états de communion, d’effusion, d’émerveillement, de jeu, d’amour, y compris les états de jouissance esthétique qui nous mettent dans un état second d’émotion heureuse.
Nous débouchons sur trois mystères :
- Le mystère abyssal de l’inconscient, pas seulement freudien, des désirs, peurs, refoulements, mais celui de notre cerveau qui fonctionne inconsciemment avec ses milliards de neurones, de notre esprit qui fonctionnement inconsciemment avec seulement parfois la petite flamme fragile de conscience à la surface.
- Le mystère de notre organisme, formidable machine auto-organisée et auto régulée qui fonctionne inconsciemment saut alerte par trouble ou douleur.
- Le mystère de notre identité qui contient dans sa mémoire notre vie fœtale et nos ascendants.
Or cette trinité inséparable, constituée par notre inconscient, notre organisme, la mémoire incluse dans notre identité, fait qu’il y a en nous un formidable savoir sur tout ce dont nous sommes issus : l’univers, la vie, nos ascendants, un savoir que nous ignorons totalement. Une de nos plus grandes et irrémédiables ignorances, nous l’avons dit, est de ne pas savoir ce que nous savons.
On voudrait absolument trouver un sens à la vie mais, s’il y a un sens, ce n’est pas au sens où nous entendons le mot sens. Il est tapi au sein de l’insensé. Le seul sens de la vie est dans sa finalité : vivre pour vivre, finalité dont on ne peut trouver le sens.
Le mystère échappe à la connaissance mais il est au cœur de la connaissance.
Le rêve est comme un dépotoir rempli de choses précieuses mêlées à des déchets : il y a du souvenir, de l'imaginaire, du symbolique, parfois, peut-être, de la prémonition, parfois du travail intellectuel ...