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Critique de LLebrown


Une critique un peu longue mais c'est difficile de faire court et complexe.

Dans le coin bleu, la simplicité avec ses armes redoutables que sont la disjonction, la réduction et l'unidimensionnalisation. Dans le coin rouge euh non plutôt vert ou orange… dans le coin arc-en-ciel, la pensée complexe et son légendaire combo disjonction/conjonction.

Edgar Morin, 97 ans, enlève son peignoir et vient introduire la pensée complexe via cette compilation de 6 articles et textes de colloques écrits majoritairement dans les années 80. J'ai volontairement passé la main sur l'article 2 « le dessin et le dessein complexe » et sur le 5 « la complexité et l'entreprise ». J'avais déjà lu le 4 qui était comme le 5 publié dans la revue Management France dont le nom ne m'inspirait guère.

Que dire. Peut-être que l'introduction nous indique que l'on se lance dans une aventure tout sauf… simple. En effet est complexe « ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi ni se réduire à une idée simple. » Cette introduction se confronte donc au problème d'envisager la complexité de façon non simplifiante… tout en se voulant abordable. En cela, Edgar Morin a recours à des processus d'explications simples qui, il l'explique, ne sont pas exclus du processus de pensée complexe. Il a aussi recours à des mots « compliqués », ces concepts, qui peuvent nous inciter à jeter l'éponge. Je pense notamment aux trois principes de la pensée complexe tels que définis dans l'article 3 « paradigme de la complexité » à savoir le principe dialogique, la récursion organisationnelle et le principe hologrammatique. Ce ne sont pas les passages les plus inspirants.

J'ai surtout retenu cette idée sur laquelle Morin insiste : la complexité n'est pas la complétude. Il s'appuie et s'inspire d'Adorno qu'il cite à plusieurs reprises « La totalité est la non-vérité ». Ainsi appréhender la complexité d'un objet ou d'une situation n'implique pas d'en avoir une connaissance totale mais bien de tenter d'en avoir une vision non parcellaire afin d'éviter de construire une pensée mutilante. Pour Morin, la parcellisation de la connaissance (séparer les sciences des sciences humaines à l'université par exemple) a participé à faire progresser l'erreur et l'ignorance en même tant que la connaissance. « L'erreur n'est pas dans l'erreur mais dans le mode d'organisation de notre savoir en système d'idées » mais aussi de « l'organisation de notre connaissance, incapable de reconnaître et d'appréhender la complexité du réel. » On ne peut qu'être d'accord.

J'ai aussi adhéré au principe du méta-point de vue qui invite l'observateur à s'intégrer dans l'observation, cela semble évident une fois dit, et à l'idée que la littérature, notamment le roman, est souvent d'un grand secours quand il s'agit de traiter la complexité du sujet (« celui qui occupe le site du « je »). Il prêche un convaincu mais quand ce sera mon tour de prêcher des non-convaincus, j'aurais Morin avec moi.

Une phrase m'a cependant interpellé : « J'étais (je me considère) gauchiste et droitier. » Il s'explique en disant être attaché à la liberté (en cela, il se dit « droitier ») et en même temps, il pense que les rapports humains et sociaux devraient changer en profondeur (son côté « gauchiste »). On peut comprendre ce positionnement mais cette politique du « ni-ni » (ou du « et-et », on est pas loin du « yéyé » mot qu'il aurait inventé) prête parfois à confusion. Je me suis parfois demandé si cette invitation à la pensée complexe ne nous accompagnait pas vers une pensée un peu tiède et molle, une pensée qui nous dispenserait de prendre position et dire non. Edgar Morin a prouvé durant sa carrière qu'il était un intellectuel qui était cependant capable de s'engager, on pense notamment à sa participation à la tribune « Israël/Palestine : le cancer » qui l'a rapidement classé comme « mauvais juif » auprès des défenseurs aveugles de l'Etat d'Israël. Pas si simple de classer Morin.

Au final, je dirai que ce petit livre permet de mettre au clair ce que l'on entend par complexité. En cela, il porte bien son nom. « Introduction à la pensée complexe » aurait pu s'appeler aussi « Invitation à la pensée complexe » car plus qu'une méthode, il donne l'envie de boxer avec notre propre rapport à la complexité, à la rationnalisation et à la simplification. Et ça, c'est pas rien les amis. Ding, ding, round 2 !
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