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Critique de Lutopie


Dans son village de Roumanie, en attendant le passeport qui lui permettra d'émigrer en Allemagne, Windish, le meunier, traîne sa carcasse. le roman d'Herta Müller se passe dans ce village de Roumanie où le temps s'égrene de sac de farine en sac de farine ... le temps, parlons-en car la conjugaison d'Herta Müller laisse à désirer d'autres temps ... du présent de l'instantanéité au présent de l'éternité, le présent d'énonciation ne laisse que peu de place au futur. Les phrases sont courtes (présent de l'instantanéité) mais le temps se traîne sur la durée (présent de l'éternité) ... Oui, Herta Müller n'écrit quasi exclusivement qu'au présent.
En plus de cette obsession pour le présent ( et on est loin du Carpe Diem), Herta Müller nous vend les obsessions de Windish : l'oeil fixe, comme l'idée fixe, le doigt aussi, le sexe féminin et puisque c'est chouette, les chouettes (les empaillées sont l'obsession du mégissier). C'est assez particulier comme texte ... C'est un peu comme les oeuvres d'Elfriede Jelinek tout en étant radicalement différent ... C'est malaisant ... Car derrière les obsessions des personnages, il y a quelque chose qui fait que chacun se retrouve avec un trou de mélancolie dans la tête : le mal du pays.

Le mal de la Roumanie de Ceausescu, de la Russie et de son hiver sans fin, mais il y a encore l'Allemagne qui corrompt les hommes et les femmes, la Wehrmacht et les SS ... Et l'atmosphère ne s'assainit pas du fait que l'Eglise est au coeur du village car l'Eglise a en son jardin un pommier qui dévore ses pommes ...

Ainsi, le paradis perdu, l'Eden se retrouve livré aux influences de Satan, et depuis, "les vers sont dans les fruits". La nature se pourrit, les hommes et les femmes mangent les fruits pourris et les vers, et la terre se creuse à force des pluies diluviennes, et les chemins pleins d'ornières ne mènent qu'à d'autres chemins lézardés.

PS : Pourquoi ce titre : "L'homme est un grand faisan sur terre" ? Deux occurences dans le texte, dans la bouche du veilleur, tout d'abord, et Windish lui répond que l'homme est plus fort que les animaux ...
La deuxième occurence, c'est Windish qui reprend à son compte la phrase du veilleur après sa plus cruelle déception, lorsqu'il tombe au plus bas et qu'il en prend un coup à son orgueil ... Et qu'il se rend compte que cette phrase, finalement, lui parle.

L'homme est-il un grand faisan sur Terre ? L'homme est-il au moins grand ? Ou n'est-il qu'un faisan, que l'on chasse dans les campagnes ? L'homme n'est-il pas plutôt un oiseau de proie ? Ou un oiseau de mauvais augure ? La chouette surplombe le texte du début à la fin ... L''Homme serait, du coup, une grande chouette sur la terre. En même temps, les oiseaux volent, non ? Lorsqu'ils ne sont pas en cage ou empaillés dans un grenier ... L'homme ne vole pas par contre mais il peut se mettre en cage ou se retrouver empaillé ... En tout cas, c'est sûr, l'homme est un animal dépourvu de plumes et d'ailes donc il est terrestre, sur terre, comme le grand faisan, comme les oiseaux qui ne volent pas ou si peu, comme le coq et la poule. D'ailleurs, le coq de Windish a un drôle de destin lui aussi ... Et il finit dans une grande casserole. Est-ce que l'homme ne serait pas, aussi, un grand coq sur terre ?


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