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Critique de domi_troizarsouilles


Lorsque j'ai vu que ce livre faisait partie des nominés au prix Livraddict 2021, catégorie Contemporaine, je me suis dit qu'il pouvait rejoindre ceux qui m'intéresseraient… et j'ai alors découvert avec une certaine surprise qu'il était déjà dans ma PAL, probablement acheté lors d'une action Kindle… Pour être tout à fait honnête, ce n'était pas mon premier choix dans la catégorie : je visais « American dirt », lu il y a quelque temps désormais, ainsi que « le silence d'Isra » et « La passeuse d'histoires », que je n'ai finalement pas lus, ni l'un ni l'autre, par manque d'organisation dans mon planning de lectures (hélas). C'est donc celui-ci, qui n'atteignait que la 4e marche de mes envies de lecture dans cette catégorie, que j'ai lu… et ouf ce n'est pas un regret, mais pas une révélation non plus !

Non, pour moi ce n'est pas un livre exceptionnel : on est a la limite de la littérature contemporaine parfois aussi appelée littérature blanche, et de la chick-lit, avec des personnages que j'ai trouvés sympathiques mais assez caricaturaux. Autant dire que, même si ça tend indéniablement vers le feel-good, et que ça détend, ce livre n'est pas représentatif de cette littérature qui emporte, qui fait rêver, qui nous fait dépasser nos limites – donc je suis un peu perplexe de trouver un tel livre dans le classement de tête pour le prix LA… mais pas tout à fait étonnée au final : je sais trop bien que c'est ce genre d'ouvrage qui est très « à la mode » ces dernières années, on a besoin de ce « feel-good » en ces temps troublés, même si on ne peut pas vraiment parler d'un éblouissement littéraire.

Ainsi, on a Emilia, la principale narratrice, jeune femme de 29 ans, vivant sous la coupe de sa grand-mère qui l'a élevée (car Emilia a perdu sa mère à l'âge de 2 ans) : Rosa, une terrible nonna à l'italienne mais version glaçon, qui a fait partie des vagues d'immigrés aux États-Unis d'après-guerre mais qui n'a jamais vécu ailleurs que dans son quartier italien de New York. Emilia travaille dans l'entreprise familiale de traiteurs, elle est aussi constamment au service de sa soeur et des autres membres de la famille, dont son père, complètement effacé. Emilia est une véritable Cendrillon de notre époque : au service de tout le monde, elle en est venue à trouver cela normal et n'imagine pas vivre une autre vie, dans un mélange de lâcheté qu'elle refuse de voir, et de préservation de son confort aussi peu satisfaisant qu'il soit. C'est qu'une malédiction pèse sur toutes les filles cadettes de la famille depuis plusieurs générations (dont Emilia, bien sûr) : aucune ne connaîtra le bonheur, c'est-à-dire le mariage et des enfants. Mais cette malédiction est devenue un véritable enfermement pour ces femmes…

Et déjà là j'ai envie de crier : c'est quoi cette vision archaïque de la femme épanouie uniquement à travers le mariage et la maternité ?!
Heureusement, on rencontre alors « tante Poppy » (je vous laisse découvrir pourquoi on l'appelle ainsi, elle dont le vrai prénom est Paolina – à l'italienne, et pas comme le synopsis le présente « à la française » !), elle aussi une deuxième fille, soeur cadette de la nonna Rosa. Poppy a entretenu un contact épistolaire aléatoire avec Emilia quand cette dernière était petite fille, mais ces échanges se sont terminés des années plus tôt sur ordre de Rosa, car Poppy est considérée comme une véritable pestiférée dans la famille, l'incarnation du mal. Et voilà que tout à coup Poppy renoue en invitant sa petite-nièce à un voyage en Italie… Tante Poppy n'est effectivement pas mariée et n'a pas eu d'enfants, mais Emilia découvre avec stupéfaction que cette grand-tante devenue inconnue, est déjantée et surtout très libre, et en plus a bel et bien eu une vie amoureuse complète (avec un amant, le comble de l'horreur !), et même plus… Ce voyage en Italie est comme une dernière volonté, car elle est vient de perdre son compagnon, et est quand même à l'aube de son 80e anniversaire.
Ainsi, le récit du voyage en Italie, relaté par Emilia à la 1re personne du singulier, est entrecoupé de moins nombreux chapitres contant l'histoire de Poppy, jeune fille à la fin des années 1950 – début 1960, soumise elle aussi à sa soeur aînée qui est alors tout pour elle, et à ses parents, son père en particulier, chef de la famille dans le sens bien traditionnel du mot. Ces quelques chapitres, qui débordent toujours un peu dans le récit présent, comme si Poppy racontait elle-même son histoire, apporte un éclairage nouveau à l'histoire de cette famille dans son ensemble, et soulevant toute une série de sujets.

S'adjoint à elles pour ce voyage une cousine d'Emilia, Luciana appelée Lucy, elle aussi fille cadette dans sa famille, et à un tel point désespérée par la malédiction, qu'on lui a assénée dès ses 8 ans, qu'elle en est devenue une croqueuse d'hommes. Elle apporte une touche de fraîcheur lucide, souvent un peu sarcastique, entre la trop sage Emilia et l'exubérante Poppy… mais j'ai gardé tout au long du livre le sentiment qu'elle est davantage comme la troisième roue du carrosse, un personnage sympathique et distrayant, mais dont l'évolution est un peu de la broderie digressive par rapport à l'ensemble : on la suit non sans intérêt, mais elle n'apporte pas grand-chose à l'histoire principale, tout au plus quelques pages supplémentaires sympathiques mais dont on aurait tout aussi bien pu se passer.

Tout ce petit monde est bien campé : les gentils sont vraiment adorables, les méchants sont bien désagréables. Poppy et Lucy sont piquantes chacune à leur façon, tandis qu'on a envie de secouer Emilia : 29 ans quand même, et toujours aussi nunuche ?! Sa non-vie est tellement exagérée qu'elle n'est pas vraiment crédible : même moi qui ai été un peu « comme ça » (sans l'aspect souillon, et pas si longtemps) jusqu'à un certain âge, je n'imagine même pas qu'on puisse être à ce point en décalage avec son temps, sous prétexte qu'on « doit tout » à sa grand-mère qui nous a élevée… et, au risque de me répéter : cette obsession de se marier et de faire des gosses pour être heureuse, ça m'a bien un peu soûlée, même si c'est peu à peu temporisé.

Avec ça, on a droit à une visite touristique en Italie. Bon, c'est très survolé : on passe 3 jours à Venise où tout est magnifique, puis à Florence où tout est source de rêve historique, quelques heures dans l'arrière-pays toscan, et enfin cette côte amalfitaine qui semble paradisiaque. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (ou au contraire très méchant mais ça va s'arranger), et on est de toute façon dans un cadre génial : que demander de plus ? Eh oui, même dans cette partie, j'ai eu l'impression d'un recours à pas mal de clichés, ce n'est pas avec un tel « guide » qu'on va réellement découvrir ce beau pays – mais au moins, on a le bonheur d'apprendre que le plus important, c'est de se perdre… Toute une philosophie !

Bref, les personnages, malgré leur empreinte très stéréotypée, sont attachants chacun dans leur genre, portés par une écriture fluide et agréable, parfois émouvante (j'ai bien versé une petite larme) mais qui n'évite pas les longueurs. Pour ne donner qu'un exemple : on a compris bien avant la révélation « officielle » ce qui est réellement arrivé entre Rosa et Poppy, mais ça traîne, ça traîne, ça traîne avant qu'arrive ce chapitre-là… et quand enfin il est là, on le lit en diagonale car il n'apporte plus que quelques détails qui n'ont même pas de vraie importance.

Ainsi, j'ai passé un bon moment sous le soleil italien, dans un décor idyllique qui fait plus plateau que réalité, avec des personnages trop cliché pour être tout à fait crédibles. Mais on peut aussi en retenir que c'est une lecture-détente réellement plaisante, à condition de ne pas y chercher trop de profondeur ou d'originalité époustouflante.
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