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Critique de Eskalion


Je me rappelle qu'enfant, comme tout les gosses de mon âge, et sans doute aussi une bonne partie des adultes, je rêvais à ce que serait le monde en l'an 2000. Fixée à l'horizon de ma jeunesse, cette date de science fiction était riche de promesses. On imaginait des véhicules se déplaçant au dessus du sol, des villes de verre composées de gratte-ciel immenses, des robots partout et des gadgets en tout genre pour nous simplifier la vie.

Mais il y en avait d'autres aussi pour imaginer le pire. Un monde dénaturé, rongé par la pollution, croulant sous le poids de la surpopulation et étouffant sous un soleil assassin.

Dans « Sérénitas », Philippe Nicholson s'essaye à l'exercice en imaginant la France et le monde de demain. Mais l'avenir qu'il nous propose n'a rien de réjouissant. Sombre, pessimiste, celui ci ne se nourrit pas d'utopie ou d'espérance, mais d'égoïsme et de cupidité.

Dans ce monde qu'il nous laisse entrevoir, le pouvoir se déchire entre l'état devenu moribond, les multinationales qui infiltrent leurs tentacules financières dans les moindres interstices d'une société qui voit ses libertés individuelles refluer à marais basse, et les narco-gangs qui mettent en coupe réglée les quartiers populaires abandonnés.

C'est dans cet univers glauque que surnage Fjord Keeling. Personnage solitaire et rebelle, il trace son sillon journaliste au National, le plus grand quotidien de la capitale, en fouinant dans les poubelles de cette société en déliquescence, enquêtant sur les sujets qui dérangent, faisant fi des pressions et des menaces.

Mais notre homme est sur la corde raide. En conflit permanent avec sa direction, à laquelle appartient son ex-femme, il est menacé d'être viré s'il ne rentre pas dans le rang. Travaillant sans jamais rendre de comptes, il s'est taillé auprès de ses confrères une réputation de loup solitaire et de tête brulée incontrôlable qui pour la Ljing Ltd, la multinationale propriétaire du journal n'est pas tolérable.

Et dans cette société où le travail conditionne le droit à vivre dans un secteur privilégié appartenant à la boîte qui vous emploie, la menace, si elle est mise à exécution revient à vous faire dégringoler au bas de l'échelle sociale et à faire de vous un sans-abri mendiant sa pitance dans la rue pour survivre.

Pourtant, Fjord est bien décidé à ne rien changer à sa façon de travailler. Mais quand une bombe explose dans le bar où il devait retrouver un contact pour son enquête sur un trafic de D-23 , une drogue qui inonde les quartiers pauvres, celui-ci va se retrouver malgré lui au centre d'une machination dont il ne sera qu'un pion balloté au grès d'intérêts qui le dépassent complètement et dont il aura le plus grand mal à s'extirper.

Si le roman est un vrai page Turner , avec comme il se doit de l'action et des rebondissements, l'auteur s'est toutefois particulièrement appliqué à soigner le portrait de ses personnages et à rendre la complexité des rapports de pouvoir entre Etat , multinationales et trafiquants de drogue. Des rapports troubles faits connivence et de lutte d'influence, tout en étant un combat à mort.

Mais si comme moi, vous vous êtes nourri, adolescent, de science-fiction et autres romans d'anticipation, alors vous prendrez sans doute un plaisir particulier à vous intéresser au tableau de cette France du futur, méconnaissable et à la dérive que Philippe Nicholson nous dépeint dans son roman.

Une France à l'agonie, où les services publics sont progressivement abandonnés aux sociétésparisf1 privées, qui n'a même plus les moyens d'assurer la sécurité de ses citoyens et qui pour survivre abandonne sa souveraineté aux trusts internationaux sur une partie de son territoire qu'elle cède au plus offrant.

Un pays qui n'est plus qu'une coquille vide où les plus riches ont relégués les pauvres à la frange de leur monde, enfermés dans des villes privées ultra-sécurisées, à l'image de Sérénitas, construites par ces multinationales qui assurent outre votre sécurité, l'éducation de vos enfant et les soins dont vous avez besoin.

Pour les autres, ceux qui n'ont pas d'argent, pas de boulot, la misère, l'analphabétisme, la loi du plus fort, la déchéance dans des quartiers qu'on ne nettoie plus au karcher mais avec des chars d'assaut , sera le lot quotidien.

Avec Serenitas, vous toucherez du doigt une réalité qui fait donc froid dans le dos, tant elle prend racine dans le terreau de la crise qui touche de plein fouet nos sociétés actuelles : états criblés de dettes, pouvoirs financiers incontrôlables, spéculation à outrance et démission de l'Etat régalien.

Un roman plutôt réussi, qui se laisse lire et qui interpelle sur le devenir de nos sociétés qui ont encore la prétention de se croire développées.

Si vous aimez les romans ou l'intrigue conjugue manipulation, mensonge, complot, actions et rebondissements, assurément ce roman est fait pour vous !


Lien : http://passion-polar.over-bl..
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