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Critique de Eve-Yeshe


Eliza a perdu son père, très jeune ; père qu'elle a idéalisé au point d'en faire une icône (c'en était probable une, soit dit en passant) il lui a appris la tolérance, n'hésitant pas à l'emmener dans les quartiers réservés aux Noirs. Tout cela au grand dam de sa mère.

Elle parvient à entamer des études grâce à une bourse, mais tombe sur amoureux transis, Adam, qui ne lui plaît guère : elle finit par céder : c'est un beau mariage selon sa mère. Adieu, les études, le rôle d'épouse n'en nécessite pas ! peu après le mariage, Adam part sur le front elle vit dans une belle maison, se retrouve vite enceinte et surtout sous la coupe de la mère d'Adam, Abigail, la sorcière de service qui veille jalousement sur son précieux rejeton.

Au retour de la guerre, Adam a changé, picole beaucoup, fait des affaires mystérieuses, pour ne pas dire mafieuses, multiplie les aventures extra-conjugales. Eliza se défoule avec son appareil photo, prenant des clichés, chaque fois qu'elle le peut.

Un jour, un homme noir tire sur Adam, l'accusant d'avoir mis le feu volontairement à l'appartement dans lequel sa femme et ses quatre enfants sont morts brûlés vifs. C'est un Noir, il est forcément coupable mais Eliza commence à douter d'Adam.

Elle prend la fuite, avec des faux papiers, sous un nouveau nom Violet Lee, direction Paris, n'emportant que quelques bijoux et son précieux Rolleiflex… elle se retrouve par hasard dans un hôtel de passe où elle fait la connaissance de Rosa. On va suivre sa vie à Paris au début des années cinquante.

Elle réussit à trouver du travail, continue à se promener avec son Rolleiflex, comme bouclier, et rencontre d'autres femmes dont les vies sont un peu plus libres que ce qu'elle a connu à Chicago, mais à quel prix. Elle rencontre, un photographe, un pianiste de jazz qui a fui les USA aussi, ainsi qu'un bel américain Sam, beaucoup moins clean qu'elle le croit.

Mais l'exil est dur, elle pense à son fils qu'elle a laissé là-bas (il est plus facile de fuir son pays seul, qu'avec un enfant (les migrants en savent quelque chose) et en plus elle se sait surveillée.

Un jour, elle décide qu'il est temps de rentrer à Chicago… mais ne divulgâchons pas…

Eliza-Violet est née le jours des émeutes de Chicago en 1919. « Moi, je suis née au coeur d'une nuit d'émeutes. J'ai été baptisée par cette violence, elle est entrée dans mes tissus et dans mon sang, je l'ai aspirée avec mon premier cri. J'ai voulu lui échapper mais elle ne m'a jamais quittée. »

La ville qu'elle va retrouver en 1968 ne vaut guère mieux (un maire qui envoie les flics surarmés sur des manifestants pacifiques qui refusent d'aller combattre au Vietnam et sont forcément des « rouges ») Martin Luther King a été assassiné, les espoirs des plus pauvres, partis en fumée, il ne restait que Robert Kennedy pour prendre le relais, on sait le sort qui lui a été réservé.

Ce sont toujours les mêmes qui trinquent, tandis qu'une minorité s'en met plein les poches : les entrées en guerre des USA ne sont jamais altruistes : que ce soit le débarquement en Normandie, le Vietnam et celles qui ont suivi…

Au début, on peut être heurtée par le fait que la jeune femme parte seule, mais, comme Gaëlle Nohant alterne les récits dans cette première partie, on ne peut qu'être d'accord avec elle : elle n'avait aucune chance de garder son fils quelle que soit son choix.

« La vérité est que j'ai choisi de me sauver avant Tim, parce que l'emmener avec moi était trop risqué. Cela va à l'encontre de tout ce qu'on nous apprend, que les mères sont faites pour se sacrifier, que c'est leur destin depuis le fond des âges. »

Le titre « la femme révélée » est intéressant : Eliza-Violet se révèle plus forte qu'elle ne pense l'être. Mais il fait allusion aussi à la photographie (les révélateurs à l'époque où l'on développait ses photographies en chambre noire).

J'ai beaucoup aimé cette histoire, le destin de cette femme qui se croit fragile parce qu'on l'a élevée avec cette idée, et qui résiste, s'accroche dans une ville qu'elle ne connaît pas : Paris est la ville de la liberté ! c'est l'idée qu'on lui a vendue, certes, mais on ne lui a pas précisé à quel prix…

Gaëlle Nohant a une très belle écriture, elle nous fait partager le destin de ces femmes auxquelles on ne peut que s'attacher qu'il s'agisse de Rosa, la prostituée sous le joug d'un mac » jaloux ! ou Brigitte qui fréquente les clubs de jazz ou encore de la femme qui s'occupe du foyer « Les Feuillantines » qui accueille les jeunes femmes, avec sa concierge dragon qui ferme la porte sitôt « la permission de minuit » dépassée, tans pis si les jeunes femmes sont obligées de passer la nuit dehors…

Les personnages masculins sont bien étudiés psychologiquement, ce n'est pas un livre uniquement de femmes, avec une tendresse particulière pour Horatio, le musicien noir, presque aveugle qui se déchaîne sur son piano.

Dernière remarque : sur le plan historique, c'est une très bonne idée de mettre en parallèle les deux époques, car finalement rien en semble changer dans les mentalités : on est toujours le Noir de quelqu'un.

Tout le monde aura compris, j'aurais pu encore parler de roman pendant des heures, mais cela deviendrait lassant. J'ai eu beaucoup de mal, une fois de plus, à limiter les extraits, tant ce livre renferme de phrases ou de descriptions fortes, en particulier le chapitre 22…

C'est le premier roman de l'auteure que je lis et je l'ai vraiment aimé. Il serait temps que je sorte « La légende du dormeur éveillé » qui sommeille dans ma PAL depuis sa sortie.

Un immense merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de lire ce beau roman et de faire enfin la connaissance de la plume de son auteure.

#Lafemmerévélée #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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