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Critique de JIEMDE


- Est-ce qu'on vit comme le reste de la planète ? demanda Louis.
- Qui ça ?
- Nous. Les habitants d'Attrape-Flèche.
- Je dirais que oui. À peu près.

Toute l'importance et l'intérêt de ce « à peu près » fait le sel délicieux de la Mélancolie de celui qui vise juste, de Lewis Nordan, traduit par Marie-Odile Fortier-Masek. Car à Attrape-Flèche, petite bourgade du Mississippi en plein coeur du bayou, la tranquillité n'est qu'apparente et les équilibres de vie des habitants particulièrement fragiles.

Quand deux braqueurs de passage sont abattus d'une balle en plein front, mauvaises personnes au mauvais endroit, l'incident en lui-même n'émeut pas grand monde. Faut dire que d'habitude à Attrape-Flèche, on tire plutôt sur les frigidaires à l'intérieur des maisons. Les conséquences de ces morts en revanche seront terribles, poussant chaque habitant à s'interroger sur sa part de responsabilité.

Ce double meurtre sert de support à Lewis Nordan pour une exploration profonde de l'âme des habitants de ce microcosme du Deep South de l'après-guerre. Sa galerie de personnages est exceptionnelle de faiblesses, de petitesses, de remords et d'une certaine forme de courage parfois.

De Hydro, Louis ou Katy les enfants délaissés à Monsieur Rayney le père aimant, Chisholm le shérif au grand coeur, Ruth l'alcoolique adultère repentante ou le Prince des Ténèbres, croque-mort poète et théâtral, ils dégagent tous une empathie immédiate face à tant d'humanité rassemblée en un même endroit. Alors pourquoi tout cela ne fonctionnait-il pas jusque-là ?

La Mélancolie de celui qui vise juste est un joli conte, qui effleure parfois, juste un peu, le fantastique. Et plus souvent la métaphore, comme dans cette grandiose procession de barques funéraires drapées de noir, glissant sous la conduite du Prince des Ténèbres sur le lac Roebuck. Rédempteur pour son auteur, il lui permit d'extérioriser sa propre douleur, ce qui explique sans doute que l'ensemble sonne aussi juste.

Et si vous aimez les reliures toilées d'un « mystérieux et élégant vert pin » et les gardes bleues « chargées d'encre et d'un peu d'eau », alors vous apprécierez comme moi cet ouvrage de 288 pages, « ce qui est peu face au sourire de l'être aimé ».
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