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Critique de servantking


J'avais tellement aimé "Theophilos" de Michael O'Brien que j'ai cherché un autre livre de lui (ce que je ne fais jamais) et j'ai choisi "Père Elijah", étiquetté "thriller spirituel". le côté "thriller" me plaisait pour l'aspect captivant, suspense ; le côté "spirituel" me plaisait car c'est souvent ça que je cherche dans les romans que je lis. Mais j'appréhendais un peu la rencontre des deux, étant donné que la dimension "spirituelle" est quelque chose de personnel, d'intime - à la fois fragile et précieux.
Je suis rentré très facilement dans "Père Elijah" qui m'a d'emblée captivé. Des personnages bien campés, une intrigue originale, stimulante et bien menée.

CE QUE JE N'AI PAS AIME
1- Vision de l'Eglise
Dès les premières pages quelque chose me dérangeait dans la vision de l'Eglise qui était proposée. Pour moi l'Eglise catholique s'étend sur un spectre qui va du progressisme le plus libéral au traditionalisme le plus conservateur (sans tenir compte des intégristes qui ne sont pas considérés comme appartenant à l'Eglise). Je considère la papauté comme étant une sorte d'organe de régulation visant à composer avec l'immense diversité des croyants, à définir le socle commun à tous les catholiques. Tel pape peut être plus progressiste ou traditionaliste, mais son rôle reste celui d'un conciliateur qui vise à garder le cap en préservant l'harmonie et à permettre de cheminer vers le Christ, dans le monde d'aujourd'hui, chacun avec ses singularités.
Michael O'Brien nous présente une Eglise profondément divisée entre progressistes et traditionalistes. Il y a des tensions dans la réalité, certes, mais le livre contraste les choses à un point tel que cela semble inconciliable. Ce type d'exagération me semble nuisible car il renforce les stéréotypes mutuels.
Père Elijah, le héros, est dans le camp des "bons" qui sont les traditionalistes. Les "mauvais", les progressistes, sont dès lors dépeints de manière assez caricaturale. La sensibilité ecclésiale du Père Elijah me semble relever d'un traditionalisme assez poussé, émaillé de critiques envers toutes les questions que portent les progressistes aujourd'hui (le rôle des femmes, la collégialité...). Notamment, certains propos à l'encontre du dialogue interreligieux m'ont choqué.
A la limite, je peux accepter que des catholiques tiennent ce type de propos : nous sommes catholiques mais différents. Ce qui m'a davantage gêné dans le livre, c'est qu'il présente le Pape comme appartenant à cette aile traditionaliste. Comme si, sur le spectre ecclésial, c'est cet extrême qui était "juste" et que tout ce qui allait vers le progressisme était déviant, le Pape visant à maintenir une situation conservatrice.
2- Théorie du complot
Le manichéisme assez simpliste qui sous-tend cette vision de l'Eglise imprègne aussi la vision de la société que propose le livre. Il présente un leader politique charismatique qui séduit les foules à l'échelle européenne voire mondiale. Cet homme défend des causes et des valeurs allant à l'encontre de celles de l'Eglise, ce qui peut correspondre à notre réalité contemporaine.
3- Apocalypse
Dans ce contexte, le livre prend sa dimension apocalyptique avec des accents de littéralité qui me dérangent .

CE QUE J'AI AIME
1- Thriller réellement palpitant aux personnages attachants
2- Eléments spirituels intéressants, qui m'ont fait cheminer intérieurement (la quête de sainteté du Père Elijah, ses doutes, le soutien qu'il trouve auprès d'autres...).
3- Une plongée fascinante dans les rouages de l'Eglise (Vatican...), avec un regard original et décalé (le Cardinal qui roule dans sa vieille petite Fiat...).
4- de l'humour, des scènes réjouissantes (le personnage de Billy...).
5- Des scènes très fortes et touchantes (le comte Smocrev...).

CONCLUSION
Si c'était à refaire, je ne lirais pas Père Elijah. Car tous les aspects positifs m'ont fait accrocher au livre en lui donnant du crédit. Mais il abordait des choses essentielles, profondes, intimes (du domaine de la foi) d'une manière qui me heurte. J'en avais à demi conscience, mais en cours de lecture je n'ai pas pu faire clairement la part des choses ; je sentais que des positions me dérangeaient mais en même temps des éléments me nourrissaient. Ce faisant, j'ai constaté que j'étais ébranlé sur le plan spirituel, de manière souterraine. Une fois le livre achevé, il m'a fallu du temps pour mettre cela à distance en me disant : "Non, ce que propose Père Elijah ce n'est pas ma foi, ce n'est pas mon Eglise". Après quelques semaines ce cap désagréable (et périlleux ?) était passé, mais je considère que tout le plaisir éprouvé à la lecture pèse peu à côté du trouble occasionné.
Je ne conseillerais donc pas ce livre aux catholiques... même s'ils se reconnaissent dans la sensibilité "traditionaliste" évoquée ci-dessus, car je craindrais alors que cela les conforte et les pousse dans une voie qui me paraît dommageable. Je ne le conseillerais pas non plus aux non-catholiques car je considère qu'il véhicule une vision peu constructive de l'Eglise et de sa relation avec la société. Pour ma part, j'envisage mon rôle de Chrétien dans le monde d'aujourd'hui sous le signe du dialogue et de la confiance.
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