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Critique de Arakasi


Nous sommes en 1916 dans une petite ville irlandaise à proximité de Dublin et Jim vient d'avoir seize ans. Tout en délicatesse et en longs membres fragiles, il peine à s'adapter à sa vie au lycée de la paroisse, trop sensible pour supporter stoïquement les brimades des autres élèves, tous issus de meilleures familles que lui, et trop timide pour résister aux pressions de son professeur qui souhaite lui faire embrasser la carrière religieuse. Il y a quelque chose en lui de ces anges éthérés qui effleurent l'existence sans jamais s'y ancrer, sans jamais connaître réellement le bonheur ou la souffrance. Jusqu'au jour où il croise la route de Doyler, un gosse des bas-quartiers du même âge que lui, aux manières de rustre, aux mains sales de charbonnier et au sourire aussi large que la baie de Dublin. « Quelle veine, hein ? »

Avec sa gouaille naturelle, sa désinvolture hargneuse et enjouée, et ses redoutables idéaux, mêlant socialisme et indépendantisme, Doyler va éveiller Jim à la vie, allumer chez lui les flammes d'un désir de liberté dont l'adolescent ne soupçonnait même pas l'existence. Il fera bien plus encore, car, au fur et à mesure que les deux garçons apprendront à se connaître, leur relation amicale se muera progressivement en quelque chose de plus tendre, de plus fort et d'infiniment plus dangereux – surtout dans l'Irlande du début du siècle où l'homosexualité est considérée comme un crime passible de plusieurs années de bagne. Seul témoin conscient de cette relation sentimentale en devenir, un jeune aristocrate, incarcéré lui-même deux années pour s'être acoquiné de trop près avec un jeune mécanicien londonien, les observe du coin de l'oeil, oscillant entre la sympathie, le désir et une inquiétude grandissante en voyant les nuages s'amonceler au-dessus de leurs deux têtes inflammables.

Encore un très beau roman découvert grâce aux bons soins de quelques amies lectrices – elles se reconnaîtront, merci à elles ! Histoire d'amour touchante décrite dans un style intimiste et pudique plein de charme, mais aussi roman révolutionnaire, hymne à un pays assoiffé d'indépendance où la moindre miette de liberté n'a jamais été acquise que dans le sang et la douleur, hymne à la révolte en général d'ailleurs – contre qui ? Contre quoi ? La chose n'est pas si importante en soi, puisque l'essentiel réside dans le fait de se soulever, de ne jamais baisser le front devant les circonstances, les pressions sociales, le regard des autres et le glaive pesant des nations. L'émotion n'exclue pas tout humour et il y a autant de tendresse que d'ironie dans le regard que Jamie O'Neill pose sur son pays et sur ses trois personnages principaux, le destin de l'un étant inextricablement lié aux cheminements des autres. le tout donne une oeuvre brillante, puissante, épouvantablement triste par moment – mais, avec des thématiques pareilles, il fallait s'y attendre… Un grand roman historique, doublé d'une splendide histoire d'amour : hautement recommandable !
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