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Critique de Cialanma


La RDA qui s'en souvient ? Ce pays né le 7 octobre 1949 et est mort le 3 octobre 1990. Il a vécu 41 ans. En 41 ans, la RDA a construit un système, une société, une culture, une économie, certes allemands mais de l'Est avec tout ce que cela charrie. Aujourd'hui que reste-il de ce pays après la chute du Mur, l'euphorie de la réunification, la fin de la Guerre Froide et l'entrée dans un monde multipolaire ? C'est à travers ses produits alimentaires, ses appartements et leur intérieur, ces écoles, rues, musées, hôtels, combinats industriels etc...que Nicolas Offenstadt retrace une histoire de ce pays disparu. A travers son enquête, ses découvertes ou ses redécouvertes, il interroge le concept d'Ostalgie, il met en évidence une historiographie prise en main par l'Ouest avec insistance pour faire de la dictature RDA la continuité de la dictature nazie et un effacement frénétique dans certains cas de toutes traces de ce que fut la société et l'économie socialiste est-allemandes. A côté, les Allemand.es de RDA dont beaucoup ne regrettent pas la RDA telle qu'elle était : un pays sous dictature socialiste encadré par un système policier répressif incarné par la Stasi, mais regrette ce qu'elle aurait dû être : un pays socialiste oui mais où les citoyens seraient libres, vivant en paix, ne manquant de rien, véritablement solidaire où chacun pouvait devenir quelqu'un sans se soucier des lendemains.
Nicolas Offenstadt essaie de comprendre ce regret, cet histoire. Sans jamais être tranchant mais tout en étant réaliste et direct, il nous fait découvrir, à nous Français.es, qui voyons la RDA à travers son mur, ses sportifs dopés et sa Stasi, découverte sur le tard, un pays qui avait ses héros, ses bons côtés, ses côtés sombres et cachés. Il discute de cette historiographie qui voit en la RDA la continuité du régime nazie. La RDA était un maillon de l'autre grand totalitarisme du XXème siècle mais son fondement idéologique, son fonctionnement ne relevaient pas du nazisme. Elle s'est construite en réaction au nazisme et au capitalisme.

Le livre de Nicolas Offenstadt nous présente des objets, des lieux, des statuts et leurs histoire intégrées dans L Histoire. C'est une démarche originale et intéressante car vivante quasi palpable. Il nous amène à nous demander : fallait-il quasiment éradiquer tout lieu, tout objet, toute marque, tout nom de rues etc... de ce pays, certes dictature, disparu ? Parmi les Allemand.es de l'Est, artistes, écrivains, politiques, sportifs qui certes ont cru en ce socialisme, ont soutenu, collaboré avec cette dictature, certain.es ne pouvaient-ils pas être sauvés de cette lessive, ce lessivage par leurs actions de résistants, d'anti-fascistes convaincus, d'enfants du pays ? Pourquoi avoir mis du zèle à traquer les membres de la Stasi et leurs suppôts, quand l'Allemagne a pratiqué une dénazification passive voire cosmétique ?

Pas de réponses fermes et impératives dans le livre mais des pistes de réflexion, des témoignages, parfois ambigus voire arrangés (mais l'auteur n'est pas dupe), des objets, des traces laissées malgré tout dans le paysage etc...

Quelques bémols : le début du livre m'a fait un peu penser à un catalogue où l'on passe en revue plein d'objets, de lieux les uns après les autres. Certes Nicolas Offenstadt n'est pas dupe sur certains de ses témoins mais peu de véritables démontages de leur témoignage. Idem un exposé clair de cette historiographie reprise en main par l'Ouest avec toutes ses contradictions et des portraits intéressants des détracteurs de cette reprise en main mais pareil pas d'analyse qui dépasse le concept RDA = continuité du nazisme. En revanche, une dernière partie sur les anciens de la RDA qui la défendent bec et ongles avec une commémoration chaque octobre de sa naissance. Et une belle réflexion laissée à la sagacité du lecteur : certain.es Allemand.es de l'Est bien que conscients du système policier répressif mis en place préféraient être privés de bananes et de liberté mais avaient le bénéfice d'une sécurité socio-économique et sociale quand d'autres aspiraient vraiment à être libres de leurs mouvements du corps, de l'esprit etc...et voulaient avoir la liberté de manger des bananes. Beau sujet de philosophie !
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