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Critique de oiseaulire


J'ai aimé ce livre pour son honnêteté, sa modestie, son intelligence émotionnelle. Des expériences décevantes, une aspiration à la non mixité - la non mixité choisie, comme une délivrance du poids de l'hétérosexualité qui organise les rapports sociaux, et trop souvent les ternit et les appauvrit dans des jeux de rôle stéréotypés : dévalorisants pour la femme dans son rôle de dominée codifié par le collectif, et pour l'homme aussi, peu conscient qu'un regard témoin de toutes ses petites (et grandes) bassesses est posé sur lui jusque dans la passion amoureuse : vénération de sa queue autour de laquelle il tourne en toute occasion et voudrait faire tourner les autres ; sentiment de légitimité pitoyable (quand il n'est pas violent); manque d'hygiène récurrent d'un très grand nombre, qui constitue l'irrespect de plus (de trop) : mains pas lavées, sexes négligés.

Ovidie n'est pas dogmatique. Elle fait un état des lieux dans lequel bien des lectrices pourraient se reconnaître, au moins partiellement. Mais elle ne conseille pas, ne fait pas la leçon. Elle avoue ses tâtonnement, ne parie pas sur l'avenir, ne manie pas de concepts fumeux pour nous emberlificoter.

Faisant l'expérience de l'abstinence, elle en observe les effets, les avantages, les manques éprouvés (notamment celui du contact physique tendre sans sexe systématique à la clé).

Pour l'instant elle entretient d'excellents rapports d'amitié et de camaraderie avec certains hommes, dont l'un, très proche, est son alter ego masculin, double sans doute du frère qui s'est ôté la vie ; un autre aussi ; des professionnels qui travaillent avec elle à la réalisation de films et court-métrages qui n'évoluent plus depuis un certain temps dans l'univers du sexe (étiquette difficile à décoller malgré le passage des années) ; et enfin un ex-conjoint dont elle n'exclut pas qu'il redevienne un jour un conjoint à part entière.

Qu'on ajoute à ça l'immense amour qu'elle éprouve pour sa fille : on est loin de l'image de la sorcière misandre qui touille dans son chaudron une mixture à base de venin de vipère, de bave de crapaud et de souffre pour empoisonner tout le sexe mâle voué aux gémonies. On ose rêver que des hommes pourraient la lire sans crier à la misandrie, sans se sentir victimisés par le fantasme du vagin denté, sans vilipender le féminisme comme un courant de pensée visant à émasculer les hommes : c'est émouvant aussi un pénis quand on vous ne le brandit pas sous le nez en toutes circonstances, comme la matraque du méchant polichinelle.

Ovidie a exclut de sa vie la sexualité, mais ne jure pas (croix de bois croix de fer) qu'elle n'y reviendra pas un jour : comme je l'ai dit plus haut, elle n'est pas dogmatique, son livre n'est pas un livre de développement personnel "faîtes comme moi" : elle hésite, tâtonne et c'est ça que je trouve infiniment touchant en elle.

Car Ovidie ne "déteste pas" les hommes : elle aspire à une autre sorte de lien avec eux, au partage d'une autre sexualité, d'autres affects, moins de nombrilisme de part et d'autre et davantage de douceur et de bienveillance mutuelles.

Ses attentes sont celles de nombreuses femmes : un respect dans le compagnonnage, des rapports de tendresse sans pénétration systématique (mais sans exclusion non plus, c'est le choix des deux amants), un enrichissement par la vie plus que par l'incontournable vit, faux alpha et omega ressassé jusqu'à extinction totale du désir féminin relayé pour finir par la simulation et le mensonge.

Autant dire une utopie (elle en a conscience) : une utopie qui permettrait pourtant aux hommes de relâcher la pression infernale que semble leur faire subir leur très encombrant joujou, aux femmes de reprendre confiance en elles-mêmes et en l'autre.

Je ne mets que trois étoiles à cause du style quand même un peu relâché et de la tendance au remplissage, m'a-t-il semblé, dans certains passages.

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