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Critique de Chocolatiine


Au moment de débuter l'écriture de ma critique concernant La chair est triste, hélas, je me sens un peu en difficulté. Tout ce qui est en rapport avec le féminisme a le don d'enflammer les foules. Aussi, je crains que les lignes qui suivent soient mal interprétées ou donnent lieu à quelques commentaires virulents, d'autant plus que mon avis sur ce livre est mitigé. Tant pis, quand faut y aller, faut y aller.

Commençons par les points positifs.
J'ai trouvé le style d'Ovidie très agréable à lire. C'est fluide, ça glisse tout seul. Je ne connaissais pas du tout cette autrice mais je pense que l'ami qui m'a conseillé ce livre ne m'en aurait jamais parlé si la plume avait été ignoble, quel que fût le message véhiculé. Je n'ai mis que quelques heures à lire cela, on ne se perd pas dans des longueurs inutiles.
Toutes les femmes ou presque ont subi un viol, dit Ovidie à je-ne-sais-plus quelle page. Cette donnée choque toujours les hommes avec qui j'en parle et je suis navrée de dire qu'Ovidie a raison. Oui, messieurs. Que celles qui n'a jamais cédé pour avoir la paix, pour qu'on la laisse enfin dormir, pour que le gars arrête de faire la tête, lèvent la main ; elles sont, hélas, une minorité. Alors certes, dans ces cas-là, on finit par accepter mais il s'agit d'un accord sous pression, pas d'un accord réellement libre et sincère, et le mec est forcément au courant puisque c'est lui, en face, qui insiste, boude, négocie, ronchonne ou pleurniche. Parfaitement, messieurs, quasiment toutes les femmes ont eu droit à cela.
Ovidie dénonce également l'hypersexualisation des rapports interpersonnels dans la société. Là encore, même si j'aurais tendance à être moins catégorique qu'elle, je pense qu'elle a raison. J'entends encore ma soeur, qui est ingénieur dans le domaine de l'automobile et travaille donc entourée surtout d'hommes : "Tu te baisses pour ramasser ton crayon / tu te penches pour leur montrer un truc, ils s'imaginent déjà dans ton cul". Et ma soeur est loin d'être une petite effarouchée. Nous sommes effectivement noyés sous les images de nanas dénudées pour la moindre pub, les femmes d'affaires sont souvent obligées de porter des chaussures à talon qui font mal aux pieds (d'ailleurs, ma tante qui a un poste à responsabilité dans une grosse entreprise compense en ne portant que des jogging le weekend et y compris pour certains repas de famille), bref, vous avez compris.
Et que dire du fait que de nombreuses personnes ont du mal à concevoir/accepter que des femmes puissent accéder à des postes à responsabilités, justement, ou suivre de longues études? Ovidie relate que tout le monde se fout bien de son doctorat et qu'on en revient toujours à son passé d'actrice porno. Pour ma part, on me prend régulièrement pour l'infirmière ou la secrétaire parce que je suis une femme dans un hôpital, alors que je porte une blouse, que j'ai un stétho dans la poche (jamais autour du cou, ça fait prétentieux) et qu'il y a écrit "Dr ..." sur mon badge. Je ne sous-entends absolument pas que les métiers cités ne soient pas respectables, loin s'en faut, seulement que dans l'imaginaire collectif, le médecin est forcément un homme, alors même que les femmes représentent bien plus de la moitié des étudiants en médecine et des jeunes médecins. le pompon, c'est quand certains de mes patients hommes âgés m'appellent "jeune fille" si je leur dis quelque chose qui ne leur plait pas, j'avoue que ça me met en rogne. Ou alors quand c'est moi (jeune médecin mais ça valait aussi quand j'étais interne) qui pose les questions et qu'ils ou elles répondent en regardant l'étudiant de quatrième année qui assiste à ma consultation et qui est assis derrière moi.
Mais revenons à nos moutons, cette partie de ma critique avait donc pour objectif de dire que j'approuve une partie du message d'Ovidie.

Il existe cependant une autre partie du message avec lequel je ne suis pas d'accord ou qui m'a mise mal à l'aise par l'avis extrêmement tranché qu'il exposait.
Les hommes, les hommes, les hommes... Sont-ils vraiment tous mauvais? Devons-nous nous contenter de pouvoir dire que certains sont seulement moins pires que les autres? Tout est-il donc parfait, facile, respectueux dans les relations entre femmes? Ovidie finit par dire que non, bien sûr, il y a aussi des femmes complètement tordues, manipulatrices, menteuses, perverses, cet élément arrive tellement tard dans le livre qu'on passe une bonne partie de la lecture à se demander si le monde des lesbiennes ne serait pas pour l'autrice un quasi monde de bisounours dans lequel tout le monde est gentil.
Tout ce qui se rapportait à l'apparence m'a interpelée aussi. Peut-on se maquiller et porter des robes sans être qualifiée de vendue au patriarcat et à la culture du viol. Personnellement, je me maquille moins de dix fois par an, hors de question de perdre du temps de sommeil chaque jour pour me peinturlurer le visage. En revanche, j'aime les robes, j'aime les jupes, j'aime les vêtements bien cintrés, je déteste les baskets et jamais vous ne me verrez sortir de chez moi habillée comme un sac (et Dieu sait si c'est à la mode ces dernières années...). Et oui, quand je porte des robes, je le fais pour moi, pas pour les autres, et j'exige de pouvoir le faire sans entendre tous ces gros lourds qui nous siffle ou nous interpelle dans la rue.
D'ailleurs, ça me fait penser à mon ami S. qui, invariablement chaque été, se plaint de ne pas pouvoir porter de short au bureau quand il fait ultra-chaud alors que les femmes peuvent venir en jupe : voici l'argument parfait quand nous nous plaignons que la clim' souffle trop froid mais passons. Cet ami me parle aussi souvent de la mise en scène de la séduction du point de vue des hommes, avec la nécessité de paraître beau et fort, et de comment les gars sympas se voient relégués dans la célèbre "friend zone". Après cela, en général, il ajoute que nous ne savons pas ce que nous voulons, genre vous réclamez des hommes attentionnés mais vous ne couchez qu'avec les conna***.

Alors oui, ce débat est sans fin et je suis bien contente d'avoir lu le livre d'Ovidie car il apporte de nombreux éléments à ma réflexion, même si je n'adhère pas à 100% du contenu. Je pense qu'il y a d'un côté celles qui se complaisent dans la plainte permanente et celles qui prennent les choses en mains, se battent pour atteindre leurs objectifs malgré les batons que les hommes leur mettent dans les roues, malgré les idées reçues de la société, et j'espère que nous serons toujours plus nombreuses à faire partie de cette seconde catégorie.

Challenge ABC 2023/2024
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