À présent que j'ai totalement terminé la lecture de ce cycle, je me rends compte à quel point il est inspiré de Star Wars. Comme Luke, Eragon est le dernier de son « espèce », il est surveillé depuis son enfance par un homme destiné à devenir son mentor, il doit affronter un tyran surpuissant qui est à la tête de tout un empire et qui est le plus fort des Dragonniers (ou des Siths) de l'ancienne génération, il se bat aux côtés d'une armée rebelle, le disciple de l'empereur fait partie de sa famille, lorsqu'il vainc, il est obligé de s'exiler pour enseigner à la génération future de sa race sans plus jamais pouvoir rentrer chez lui, etc.
Il paraît qu'un cinquième livre va paraître. Très sincèrement, j'espère que le scénario ne consiste pas à aller chercher un Eragon mystérieusement disparu, sinon je boycotte.
Tout ça pour dire que l'originalité n'est absolument pas le point fort de cette série. Ils ont remplacé les sabres laser par les dragons, la Force par la magie, et puis le tour est joué.
Cependant, si ma lecture a été laborieuse les 400 premières pages, elle s'est améliorée à partir du moment où Eragon sait ce qu'il doit aller chercher pour battre Galbatorix. Parce que le bout de cette quête explique plein de points obscurs et permet de revoir la saga sous un autre oeil. Malgré moi, j'ai été emportée (en autres parce que je ne me rappelais plus des révélations qui avaient été faites et de la manière dont le héros vient à bout de l'empereur). On se laisse prendre, il est vrai. Je réalise aussi qu'un tome supplémentaire pourrait résoudre les nombreux mystères qui n'ont pas trouvé de réponse : comment se fait-il que la cicatrice d'Eragon suite au duel avec Durza l'ait fait autant souffrir ? Était-ce une malédiction ? Un sortilège ? Pourquoi a-t-il eu des visions de ses retrouvailles avec Murtagh dans L'Aîné ? Et pourquoi les visions se sont ensuite arrêtées ? Quel était le service que l'arbre de Menoa a demandé à Eragon pour avoir trouvé le métal sous ses racines ? (J'ai bien ma petite idée, mais...) Que va devenir Elva ? D'où vient Angela ? Qui sont les deux femmes qui viennent à elle à la fin de L'Aîné ? Pourquoi son vrai nom terrifie-t-il le Grand Prêtre d'Helgrind ? Comment s'est-elle liée à Solembum ? Comment se fait-il qu'elle sache tant de choses et qu'elle vive aussi longtemps ? Ma première théorie serait qu'elle soit à demi elfe. Ma deuxième, qu'elle soit la dernière représentante du Peuple Gris. Et ma dernière, un peu exagérée, qu'elle soit d'essence divine et se cache au milieu des mortels pour les observer.
Mais les personnages sont terriblement pénibles ! Eragon m'a agacée à plusieurs reprises, ses décisions sont illogiques, irréfléchies, et désastreuses. C'est un adolescent, c'est normal qu'il se plante quelquefois. Mais il a le sort de tout un continent sur les bras, il n'a pas le droit à l'erreur, il est supposé avoir beaucoup mûri depuis le premier tome, et pourtant il en commet une somme folle. du coup, il se retrouve souvent à s'appuyer sur ses alliés, qui doivent faire le travail à sa place. En d'autres termes, ce n'est pas un héros charismatique.
Et les autres ne sont pas en reste : Arya est exaspérante à force d'être parfaite, Roran est fatiguant à force d'être aussi héroïque (la prise d'Aroughs tourne à la caricature), et Saphira est horriblement girly.
Oui, girly. Neuneu, fifille, chiante. Je ne m'en étais pas rendue compte quelques années plus tôt, mais elle est terriblement axée sur son apparence, fait tout un foin de la perte d'une écaille sur le bout du nez et prend bien soin de se laver avant d'aller combattre dans le sang et la poussière pour briller plus que Thorn. « Thorn scintillait dans la lumière du soleil levant. Mais ses écailles à elle étaient plus propres, car elle avait pris soin de les nettoyer. Jamais elle ne serait partie au combat autrement que sous son meilleur aspect. »
Bon sang mais c'est terriblement sexiste, en réalité. Parce que Saphira est une fille – et même si c'est une dragonne – il faut qu'elle prenne soin de son apparence jusque sur le lieu d'une bataille ? C'est aberrant. Elle n'est pas supposée être soumise au même matraquage médiatique que nous, et en sus, elle a été élevée à la dure, sur les routes en pleine nature. Qu'est-ce qui la pousserait à prendre plus soin de son apparence que les mâles de son espèce ? D'ailleurs, les quelques chapitres où on fusionne avec sa vision des choses nous montre à quel point son physique l'obsède – en plus de nous dévoiler que ses pensées sont très primaires. Elle connaît tout le vocabulaire d'Eragon et parle aussi bien que n'importe quel humain, pourtant Christopher Paolini choisit de la faire penser comme une attardée. Les « deux-jambes-aux-oreilles-rondes » (humains), Galbatorix-le-briseur-d'oeufs, « Thorn-écailles-rouges », « caverne-noires-épines » (cathédrale) sont autant de mots qu'elle connaît, alors pourquoi se complique-t-elle la tâche ? Encore, pour les différents courants aériens, c'est tout à fait compréhensible parce qu'aucun humain ne les nomme et ça donne une touche exotique. Mais là c'est trop.
Les seuls seconds rôles que j'ai appréciés étaient Elva pour son imprévisibilité, Nasuada pour sa force de caractère, Angela pour son sens de l'humour, et Solembum parce que c'est lui. Sur la totalité de la galerie des personnages qu'on croise, ce n'est pas beaucoup. Avant, j'aimais bien Murtagh parce qu'il avait du caractère et qu'il n'était pas vraiment altruiste. Mais plus on avance dans l'histoire, plus Christopher Paolini le rend antipathique. Ça a commencé dans le tome 3, où on se rend compte à quel point il est lâche, et c'est pire dans celui-ci, où même Nasuada, qui a un faible pour lui, éprouve du mépris à son égard (en même temps, son petit speech d'auto apitoiement était minable. Que croit-il ? Qu'il est le seul à souffrir ? Qu'il est le seul à être assujetti à Galbatorix contre son gré ? A-t-il oublié que c'est le cas de milliers de personnes à travers tout le continent ?). D'ailleurs, j'ai été un peu déçue de la facilité avec laquelle il retourne sa veste..
En revanche, si Murtagh baisse dans mon estime, Orrin remonte quand il montre à quel point le stress de la campagne le transforme. Dans L'Aîné, on n'aurait jamais pu croire qu'il évoluerait si négativement. Sans cesse en train de se comparer à Nasuada, à rappeler à quel point les Vardens dépendent de lui, à souligner qu'il ne reçoit pas la reconnaissance qu'il estime lui être due… Quel changement pour un homme de science tel que lui !
Malheureusement, les personnages ne sont pas le seul défaut de L'Héritage.
Je me suis rendue compte que les exagérations sont devenues de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que l'histoire avançait. Dans le premier tome, Eragon devient le meilleur épéiste de tout l'Alagaësia en quelques mois, dans le second, Roran est tellement amoureux de Katrina qu'il soulève tout le village contre les Raz'acs et défit l'Empire en le faisant s'enfuir à l'autre bout du continent, et son pouvoir de persuasion est tel que presque tout le monde le suit, dans Brisingr, il ne s'est pas passé grand-chose, et maintenant… Eragon envoie un ennemi au plafond d'un coup de poing, Roran se prend une flèche dans le dos mais s'en remet en si peu de temps que c'est à se demander comment c'est possible, Roran invente des pièges de plus en plus audacieux et capilotractés, les ennemis sont tellement bêtes qu'ils ne le capturent pas quand ils sont tout un escadron à cheval et qu'il est tout seul à garder le camp (c'est vrai, quoi ! On dirait que c'est fait exprès…), les ennemis, de toute façon, ne sont absolument pas combatifs. Leur trait caractéristique principal est leur lâcheté : ils passent leur temps à s'enfuir devant l'armée rebelle. Ne craignent-ils pas leur roi un peu plus que ça ?
Il y a toutefois un argument à cette dernière remarque : les soldats de l'Empire sont souvent des fermiers qu'on a arrachés à leur terre pour combattre des hommes qui ont la cote auprès des petites gens. Comment pourraient-ils se battre de toutes leurs forces s'ils ne soutiennent pas le tyran ?
En revanche, comment expliquer toutes les incohérences dues à la magie ? Combien de fois Eragon essaye de contrer un sort d'un simple « Letta ! » (« stop »), n'y parvient pas et arrête le flux de magie qui coule de lui pour ne pas se fatiguer. Normalement il devrait être mort ! Dans le deuxième tome, l'auteur est très clair là-dessus : si on lance un contre sort trop strict sans parvenir à annuler la magie qu'on combat, on meurt. C'est pour ça qu'il a dû enrichir son vocabulaire et qu'il a dû réciter toute une phrase pour affronter Murtagh quand ce dernier les maintenait en son pouvoir.
Autre détail : comment Eragon et Saphira peuvent-ils se rendre compte que la Terre est ronde alors que la courbure de la Terre n'est visible qu'aux alentours de 10 kilomètres – beaucoup trop haut pour n'importe quelle créature volante, peu importe la violence du courant ascendant ? Si cela avait été une autre planète, cela aurait pu être possible (avec une atmosphère plus dense, une planète plus petite…), mais je suis convaincue que l'Alagaësia est sur Terre (cf. ma critique du tome 2).
La conclusion de cette saga m'a touchée et déçue en même temps. Pour commencer, le combat final était complètement tiré par les cheveux (Murtagh a un gros trou dans les boyaux et subit une explosion nucléaire, mais survit quand même ? Ah bon. Et c'est seulement quand il n'y a plus du tout de danger – un quart d'heure plus tard – qu'il daigne reboucher l'ouverture de son abdomen. Il pouvait pas le faire avant ?). Et vu la taille gigantesque de Shruikan, est-ce possible qu'une simple Dauthdaert puisse atteindre son cerveau en lui crevant un oeil ? D'après les descriptions, il semblerait que son globe oculaire soit presque aussi grand qu'un homme, bon sang ! Et puis, Eragon qui bat Galbatorix en lui lançant un sort pour lui faire comprendre tout le mal qu'il a fait durant son règne, c'est un peu mièvre…
Toujours dans les points négatifs, je ne comprends pas pourquoi l'auteur a accordé un dragon à Arya alors que c'est déjà un personnage hors normes. C'est une elfe très puissante et dégourdie, un peu atypique chez les siens, connue de tous les peuples parce qu'elle est l'ambassadrice de sa souveraine de mère, très admirée d'Eragon pour les raisons qu'on connaît, et en plus elle obtient le statut de reine. Qu'avait-elle besoin de devenir Dragonnière ?
Ensuite, il est clairement évident qu'elle apprécie de plus en plus Eragon. Mais pas le moindre petit bisou au moment de leur séparation. Pas le moindre mot d'amour. Juste un adieu émouvant – et la promesse d'une vie monacale pour le jeune homme. Triste perspective.
D'un autre côté, ça fait une fin inattendue et originale. Pendant des années, j'étais persuadée qu'ils allaient finir en couple et l'auteur m'a littéralement coupé l'herbe sous le pied.
Aussi, l'ambiance des scènes finales n'étaient pas au romantisme, mais plutôt à la mélancolie, l'angoisse, le chagrin, le sentiment d'inéluctabilité et du devoir à accomplir. Je trouve que Christopher Paolini (ainsi que ses traducteurs) a bien retranscrit les émotions de ses personnages. Lire la fin m'a donné un curieux sentiment de mélancolie et d'abandon, et je n'ai pas eu envie de me replonger dans un autre roman de la journée.
En revanche, je me demande bien comment Eragon pourrait ne jamais revenir en Alagaësia. Il y a bien un moment où il pourra s'accorder des vacances, quand les dragons sauvages seront suffisamment nombreux pour s'élever eux-mêmes et qu'il n'aura pas de jeune Dragonnier sur les bras.
Bien que la fin me déçoive et que ce cycle soit bourré de clichés, de facilités narratives et autres pièges littéraires, j'y suis attachée. C'est sentimental. C'est une saga que je conseillerais aux ados, ainsi qu'aux adultes qui ne s'y connaitraient pas du tout en SFFF et qui n'auraient pas vu Star Wars. Pour les autres, les ficelles de l'histoire seront tellement grosses qu'elles vous gâcheront la lecture.
Pour ma part, je suis à présent presque sûre que je ne relirai jamais L'Héritage et qu'il sera condamné à prendre la poussière sur mon étagère. Sauf si effectivement le cinquième livre paraît et qu'il me paraît évident que j'aurais besoin de revoir le début avant de poursuivre.
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