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Critique de thereadingsession


Je n'ai pas pour habitude de lire des romans graphiques, mais il était une fois sur bookstagram, l'éloge d'un dessin en noir et blanc qui fleurit sur les comptes des personnes que je suis assidument. Céline (@point.a.laligne), Karine (@c_est_ma_kam), Thael (@thaelh) (et encore tant d'autres) sont les messagers de ce roman graphique, qui parvient jusqu'à mes oreilles (enfin plutôt jusqu'à mon fil instagram, mais c'était moins poétique). Je le boude, rechigne : je déteste la lecture "populaire" alors j'attends. Quelle erreur cette fois que de passer à côté d'une pépite pareil (je n'ai que quelques mois de retard), si touchante et si brute à la fois.
Nous nous trouvons du point de vue d'un petit frêne, gracieusement épargné de la coupe estivale par deux frères espiègles. Toujours présent dans le coin gauche d'une case, il nous conte aisément sa vie monotone d'arbre à la grande longévité. Il assiste à l'évolution de sa vallée, et au coucher du soleil, un jour, cogne le pas douloureux de milliers de prisonniers enchaînés. 100 000 à 200 000 morts (on ne sait pas le chiffre exact, il y en a sûrement plus) qui gisent, abattus par les soldats, au pied du frêne spectateur de ce massacre. Et les familles, qui pleurent leurs enfants, maris, frères ; et l'humanité, réduite en une bouillie de membres cassés, l'insecte qui se mêle à l'intestin qui gît sciemment en dehors d'un abdomen. Oui, à travers son feuillage, le frêne nous raconte "le massacre de la Ligue Bodo", ayant eu lieu au début de la guerre de Corée en 1950. L'auteur de la nouvelle nous explique dans la post-face que, dans cette région de Chungcheong, son grand-père faisait partie des victimes ; et, "c'est un sujet si douloureux que j'ai choisi de le traiter du point de vue d'un arbre. Il m'a paru essentiel d'adopter le regard distancié d'un témoin neutre pour évoquer l'horreur"- Choi Yong-Tak. le rendu est tout simplement bluffant.
J'ai lu sur Babelio un avis qui disait "heureusement que ce roman graphique est en noir et blanc, je crois que je n'aurais pas pu supporter de le lire en couleur" (@LePamplemousse), et je suis assez d'accord avec elle. La bichromie de ce roman, le noir et le blanc qui s'atténuent et se confondent ensemble, les coups de pinceaux, de brosses, les jets d'encre suffisent à construire et comprendre ce massacre. On devine aisément les fluides, qui s'écoulent comme une rivière sanglante ; les expressions sont ahuries, les yeux globuleux, la terreur dépeinte par les traits horrifiés et cassants. Les scènes d'horreur et de dégoût côtoient la délicatesse d'une nuit étoilée, dans une ambivalence poétique qui m'a fait fondre en larmes.
Les dessins sont superbes, le ton est original, le message est fort, et je vous avoue ne pas en être ressortie indemne. Je revois ces scènes qui défilent, la brise qui souffle sur un branchage cassé, et je hume à travers les pages l'odeur ferrugineuse d'une mare coagulée. Ce roman graphique est percutant (un de mes mots préférés vous avez l'habitude), et il est préférable de ne pas passer à côté. Un grand moment de lecture que je pense réitérer encore et encore ; et les autres lecteurs ne vous en diront pas le contraire.
Lien : http://thereadingsession.fr/..
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