AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Levant


Ayant beaucoup aimé la lecture de son premier ouvrage L'été des quatre rois, j'ai adopté La chambre des dupes sans hésiter. Quelques trois années du règne de Louis XV y font tout le contexte de ce nouvel ouvrage de Camille Pascal. Quelques trois années au terme desquelles le souverain tomba gravement malade au point de se voir condamné par ses médecins et accablé de sanction divine par l'Église, lui reprochant sa conduite avec celle qui était devenue sa maîtresse en titre, Marie-Anne de Mailly-Nesles, marquise de la Tournelle, faite par sa faveur duchesse de Châteauroux, ville où elle ne mit jamais les pieds mais dont elle percevait les revenus.

Si l'on juge une époque de l'histoire, celle dont il question dans cet ouvrage en particulier, avec les acquis d'aujourd'hui, on se félicitera que le rouleau compresseur de la grande révolution soit passé sur ce que les historiens ont rangé sous l'étiquète « Ancien Régime », ce temps de la monarchie qui a prévalu depuis François 1er jusqu'à cette fameuse nuit du 4 août 1789, retenue comme la date de l'abolition des privilèges. On peut étudier, expliquer, mais pas juger. Auquel cas serions-nous peut-être aussi l'objet d'une duperie, au même titre que ceux qui n'ont pas cru en la sincérité de l'amour que Louis XV portait à sa favorite, ceux encore, les hauts dignitaires de l'Église, qui avaient cru en la sincérité de son repentir à l'article de la mort, ceux enfin qui imagineraient que les pulsions de la chair puissent épargner les hauts dignitaires d'un pays au motif qu'ils doivent exemplarité à leurs administrés.

Il est vrai que nous autres lecteurs du XXIème siècle pourrions être outrés du comportement de ces gens qui, s'étant arrogé le pouvoir sous légitimation de droit divin et se revendiquant ipso facto de haute naissance, affichèrent tant de dédain à l'égard du petit peuple et ne lui tenaient de considération qu'en qualité de contribuable. Ce serait oublier qu'au titre de roi, Louis XV s'était vu, au début de son règne en tout cas et relevant de la maladie qui l'avait cloué au lit à Metz, qualifier de bien-aimé. Il fut acclamé spontanément par le petit peuple à son retour aux affaires. Petites gens qui n'ignoraient pourtant rien du faste et la luxure dans lequel se vautraient son souverain et sa cour alors qu'eux-mêmes peinaient à remplir leur assiette au quotidien.

Nos yeux d'aujourd'hui nous font nous offusquer sur le mérite dont a pu se prévaloir la noblesse à être bien née. Mérite d'en avoir aucun donc puisqu'elle n'y était pour rien. La providence ayant pourvu à son succès. En ces temps d'ignorance ou tout s'expliquait en Lui et par Lui, les contemporains des monarchies successives y voyaient donc forcément la main de Dieu. Et dans le cursus médical le prêtre, en qualité de médecin de l'âme, importait tout autant que ces messieurs de la faculté dont les soins se limitaient pratiquement à faire des saignées.

Voici donc un fort bel ouvrage qui rappelle un monarque à sa condition de mortel et le met à l'épreuve de sa conscience lorsque sa vie est menacée. Les luttes d'influence sont âpres au chevet du prestigieux malade, on peut aimer son souverain et ne pas perdre pour autant le sens des réalités quant à la sauvegarde de ses intérêts, que chacun dira acquis de haute lutte.

Cet ouvrage a confirmé à mes yeux le plaisir que m'avait procuré le premier ouvrage que j'avais lu de la main de Camille Pascal. Les faits relatés, étant tous authentiques, font de cet ouvrage un véritable livre d'histoire lequel se lit pourtant comme un roman car rehaussé d'une écriture immersive qu'aucun anachronisme de langage ne vient entacher. le style raffiné, avec le soupçon de dédain qui convient dans la bouche des possédants, restitue à merveille les dialogues qui avaient cours au sein de cette société dite sophistiquée au point d'en paraître précieux, et toutefois non dépourvu de verdeur. Formidable travail de rédaction qui témoigne d'un égal travail de documentation et d'une connaissance approfondie des us et coutumes en vigueur dans cette société aux cloisons étanches entre classes. Les privilèges cela se préserve d'une vigilance permanente et pointilleuse, cela se défend bec et ongles. C'est encore une fois un superbe ouvrage de la main de Camille Pascal qui a fait mon bonheur de lecteur et amateur d'histoire. Je dirigerai quant à moi ma vigilance sur ses productions futures.
Commenter  J’apprécie          290



Ont apprécié cette critique (27)voir plus




{* *}