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Critique de Thrinecis


Je tiens à remercier les Editions Dépaysage et Babélio pour m'avoir envoyé ce superbe livre, à la couverture magnifique, dont la lecture a ravivé en moi les souvenirs vieux de 30 ans des soleils de minuit à Inuvik et au petit village de Tuktoyaktuk au milieu des Pingos.

Entre le 58ème et le 71ème parallèle s'étend une contrée glaciale, froide, le Nunavik « la Grande terre ». C'est sur cette terre désolée que se déroule l'histoire du jeune chasseur Kamik et de son clan.

Par une nuit d'hiver, rendu fou par une infection due à des vers, un ours blanc attaque les chiens du clan. Salluq, le père de Kamik, décrète qu'il faut le tuer car le grand nanoq est devenu terriblement dangereux : il peut contaminer d'autres ours et semer la terreur en tuant hommes et animaux. le lendemain, neuf hommes accompagnés de soixante chiens s'élancent sur les traces de l'ours. Kamik, est heureux de participer à sa première chasse à l'ours mais il est aussi empli de peur à la pensée de tous les dangers qui les attendent. Les jours passent et les recherches, compliquées par les tempêtes de neige, ne donnent rien... Mais une nuit, l'expédition tourne au drame...
Kamik, armé de son harpon et de son couteau, se retrouve désespérément seul et apeuré. Pour rallier son campement et retrouver les siens, Kamik entreprend une longue marche, affaibli par la faim et l'épuisement physique et moral. Et pourtant, chaque jour, il avance obstinément, luttant pour survivre, souffrant de gelures là où ses bottes se sont usées jusqu'à se percer, mangeant de la corde et le cuir de ses vêtements quand il n'a pas réussi à chasser un phoque et ne se reposant que la nuit dans l'iglou qu'il construit chaque soir.

Cette histoire, Markoosie Patsauq l'a écrite en inuktitut à partir des récits que lui racontaient ses parents et grands-parents dans les années 1940 et 1950, des récits basés sur des histoires véritablement arrivées à différentes personnes. Et ce qui aurait pu ne rester que de l'histoire orale et se perdre à jamais est devenu le premier roman inuit.

Au-delà de la tentative de survie de Kamik, c'est aussi la sienne et celle de tout un peuple que nous conte Markoosie Patsauq. En effet, le drame de Kamik doit se lire à la lumière de cet épisode honteux de l'histoire du Canada, « la délocalisation du Haut-Arctique » que l'auteur et sa famille ont vécu dans leurs chairs.

Markoosie Patsauq est né dans un camp de chasse à Inukjuak en 1941 dans le Nunavik. Mais en 1953, lui, sa famille ainsi que d'autres familles inuites ont été déportés à Resolute, dans le Haut-Arctique avec la fausse promesse d'y trouver de meilleurs territoires de chasse et de pouvoir rentrer chez eux au bout de deux années, alors que le véritable but du gouvernement canadien était de pouvoir affirmer sa souveraineté en colonisant ces terres inhabitées. Resolute est situé à 2000 kilomètres plus au Nord et les conditions de vie y sont infiniment difficiles que celles du Nunavik. Sans soutien du gouvernement, confrontées à la nuit polaire constante pendant des mois (ce qui n'était pas le cas à Inukjuak), les familles inuit vont terriblement souffrir de la famine, de la tuberculose et plus tard, dans les années 60, de l'alcoolisme, seul remède à leurs souffrances. Atteint de la tuberculose, Markoosie Patsauq sera séparé de sa famille et envoyé dans un sanatorium à l'âge de 13 ans dans le Manitoba. Il y apprendra l'anglais et le cri puis deviendra pilote d'avion en 1968. C'est vers l'âge de 30 ans qu'il compilera tous les récits de son enfance pour écrire ce livre témoignage unique, porteur de la voix et de la culture inuites, qui sera tout de suite salué comme un écrit majeur de la littérature du grand nord américain.

Cette nouvelle version française n'a pas été traduite de l'auto-traduction anglaise qu'en avait réalisée l'auteur mais directement de la version originale écrite avec le syllabaire de l'inuktitut. le style est dépouillé, direct, percutant et les points de vue alternent entre les pensées de Kamik, celles de sa mère, des chasseurs et.... de l'ours, ménageant un suspense dramatique jusqu'au dénouement final. Avec cette leçon de courage et de survie, Markoosie Patsauq nous a offert un beau récit du Grand Nord ! Il est décédé l'an dernier, avant que cette nouvelle traduction ne paraisse, mais heureux parait-il de savoir que son roman allait continuer son voyage à travers le monde.
ᖁᐊᓇᖅᐱᐊᖅᑯᑎᑦ ᒫᑯᓯ ᐸᑦᓴᐅᖅ Merci beaucoup Markoosie Patsauq !

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