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Critique de Brooklyn_by_the_sea


Killing in the name.
Wag, thésard de 28 ans et militant trotskiste, tombe amoureux de Nathalie, pasionaria autonome et membre du Black Bloc. On est en 2001, le sommet du G8 va se tenir à Gênes du 20 au 22 Juillet, et le couple s'y rend pour rejoindre ceux qui rêvent d'un autre monde. Mais tout va mal tourner dans cette Italie berlusconienne affiliée à l'extrême-doite, et parmi les 400 000 manifestants de tous pays, Wag et Nathalie vont devoir louvoyer entre les traîtres, les journalistes, les flics de la DST, et pire encore, les carabiniers prêts à tuer.

Dans ce roman brutal relatant une insoutenable violence d'Etat, Frédéric Paulin raconte le sommet de Gênes comme si on y était -et c'est glaçant. Pour rappel, ce G8 s'est soldé, côté manifestants, par la mort de Carlo Giuliani (tué puis écrasé par les carabiniers), par la séquestration de militants dans la caserne Bolzaneto (où, comme le reconnaîtra en 2017 le chef de la police italienne, les militants ont été victimes "d'actes de torture"), et par plus de 600 blessés. Beau bilan d'une répression disproportionnée. Paulin raconte tout cela, et on ressent alors toute cette terreur, "celle qui saisit lorsque l'Etat n'assure plus la sécurité de ses citoyens.", celle qui rappelle le Chili et l'Argentine.
J'ai donc appris énormément de choses sur ce G8, qui m'avaient échappé à l'époque, et notamment comment les responsables italiens post-fascistes ont anticipé cette répression. J'ai découvert avec effroi le sort réservé aux 300 altermondialistes de l'école Diaz prise d'assaut par les carabiniers, et le sort pire encore de ceux qui, pas assez amochés pour se retrouver à l'hôpital, ont été emmenés dans cette affreuse caserne Bolzaneto. L'auteur s'est basé sur les témoignages recueillis par la Cour européenne des Droits de l'Homme pour raconter tout cela -difficile, donc, de lui reprocher un parti-pris. D'autant qu'il entre également dans la tête d'autres personnages : un jeune caporal-chef carabinier qui se surprend à douter, un conseiller en sécurité qui rêve d'une nouvelle République de Salo, et un conseiller en communication entièrement dévoué à Jacques Chirac -Chirac fut d'ailleurs le seul chef d'Etat à s'exprimer sur les manifestations et la mort de Giuliani (eh oui !).
Toutefois, je ne me suis pas attachée aux personnages (sauf, paradoxalement ... le jeune caporal-chef ! ), trop revêches à mon goût. Et j'aurais aimé que l'auteur explique davantage les motivations de Wag et Nathalie, plutôt que leur faire tenir le discours anticapitaliste habituel. Je me suis également interrogée sur la complexité de certaines intrigues et la probabilité de certaines alliances -mais qu'importe, celles-ci servent la fiction qui s'avère secondaire par rapport à la réalité.
Néanmoins, j'ai aimé le style sec, nerveux, factuel, de Paulin, qui se prête idéalement à son récit haletant. J'ai eu un peu de mal à desserrer mes doigts du livre au moment de le refermer, tant j'étais crispée.

C'est donc un polar politique dramatiquement instructif sur la "plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale" selon Amnesty, un roman qui met en rage et donne froid dans le dos.
Et qui donne aussi envie de ré-écouter Rage Against the Machine.
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