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Critique de Fabinou7


“Et maintenant commençait l'ennui quotidien des heures chaudes et vides.” En été sur la plage, la légèreté est de rigueur, les soucis ne sont plus que des châteaux de sable, vos paupières closes reflètent l'incarnat du ciel, c'est la promesse d'un temps suspendu à l'horizon régulier que fend l'océan et au picotements du soleil sur la peau iodée et perlée de vos épaules. Et pourtant, plongeant nerveusement vos mains dans le sable tiède, irrité par les rires un peu fort de ce couple d'adolescents arrogant de son bonheur éphémère et jaloux de votre ami, trop occupé à reluquer les touristes génoises… la plage ne tient soudain plus ses promesses.

“J'éprouvais mon habituel plaisir hargneux à me tenir à l'écart, sachant que, à quelques pas, à l'extérieur de cette ombre, mon prochain s'agitait, riait et dansait.”

“Ce dont je suis certain, c'est de la joie, de la soudaine béatitude que j'éprouvai en étendant la main pour effleurer l'épaule de Doro.” le narrateur, aigri par la médiocrité de son existence facultative, semble complètement épris de son ami Doro, et joue avec le jeune Berti un jeu qui n'est pas sans rappeler la séduction, le repoussant comme pour tester son envie de passer du temps avec lui et lui assénant des piques verbales dès qu'il est question de femmes. Les sentiments du narrateur son secs comme un pruneau, amis babéliotes réhydratez vous après la lecture…

Cesare Pavese, un des grands poètes de la modernité italienne, avec Salvatore Quasimodo et Giuseppe Ungaretti, dans ce très court roman, essentiellement dialogué, laisse entrevoir le mal qui le ronge : l'impuissance, dans toute la polysémie du terme, à vivre sa propre vie, amarré aux autres, nostalgie misogyne (et homophile ?) de ce temps où les hommes vivaient les uns pour les autres, avant les femmes… “Les femmes le dégoûtaient et cela le faisait râler que tous les hommes vivent seulement pour ça. Les femmes étaient idiotes et chichiteuses ; l'engouement des hommes pour elles les rendait indispensables ; il aurait suffi de se mettre d'accord et de ne plus leur courir après pour leur enlever à toutes leur orgueil”.

“Le même jour, je dis à Clelia, qui se plaignait de l'ennui d'un roman, que, dans ces cas-là, la faute en était à celui qui lit.”

Le roman manque un peu d'étoffe, de profondeur, même si Pavese parvient, sans en rien suggérer à faire sentir le trouble et l'aigreur de son narrateur, qu'indéniablement il partage, à lire sous les rayons d'un soleil anxiolytique, avec un verre de grappa.

Bel été,
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