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Critique de afriqueah



Les retrouvailles entre Doro, son ami d'enfance, et le narrateur, sont empreintes du regret du temps passé, de l'envie vicieuse que ce dernier a de la nouvelle vie du premier : Doro s'est entre temps marié, ce qui est ressenti comme une trahison par lui.
Et lorsqu'il se calme, et s'apprête à faire la paix avec le couple en allant avec eux sur la plage de la Riviera ligure, son ami arrive chez lui, seul, comme s'il voulait revivre durant quelques jours cette amitié particulière, avec le cadre des collines de son enfance, le village où il est né, ces instants « où l'on écoute parler son ami comme si c'était vous-même, où l'on vit à deux cette vie en commun ».
Cependant, ce qui aurait pu se comprendre comme l'amitié retrouvée, puisque la femme n'est pas de la partie, n'en est pas : un salaud d'aide-maçon parait partager avec plus d'intensité des souvenirs communs avec Doro, et le narrateur se perd dans la jalousie.
Lorsqu'après ce détour sans affinité retrouvée ils se retrouvent sur la plage, la société, les amis différents, le narrateur s'enferme : « J'éprouvais, dit-il, mon habituel plaisir hargneux à me tenir à l'écart, sachant que, à quelques pas, à l'extérieur de cette ombre, mon prochain s'agitait, riait et dansait. »

En quoi ce très court roman est-il touchant, parce qu'il l'est ?
Le narrateur d'une certaine façon nous expose ses mauvais côtés, sa misogynie, l'explique et la développe : jalousie ou plutôt nostalgie d'une jeunesse amicale qui n'est plus, soupçons appuyés et/ou inventés que le couple va mal, mépris des différents hommes et femmes qui gravitent autour d'eux et font vulgairement la fête, sans que la moindre joie en résulte.
C'est que, nous dit Cesare Pavese, sous notre écorce sommeille un non-dit.
« Il faudrait avoir le courage de se réveiller et de se trouver. Ou, du moins, d'en parler. »
Mais justement, Doro et le narrateur ne se parlent pas, et même les silences qui les rapprochaient par le passé, lorsqu'ils cheminaient ensemble, semblent dorénavant « distraits, inusités, bref insolites ».
Ils se baignent, ils boivent, ils sont en vacances, et, en même temps, ils n'en profitent pas à plein.
Il ne se passe rien.
Et c'est ce rien décrit par Pavese qui rend le récit « La plage » aussi inoubliable, par son écriture, par son originalité, par la manière discrète de conter des sentiments dignes d'un Iago.
Un grand écrivain n'est pas celui qui raconte une belle histoire, c'est, comme Pavese, celui qui se collète avec ce je ne sais quoi, ou presque rien.
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