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Critique de LiliGalipette


La protagoniste tient un journal intime. Malade des nerfs, elle se repose pendant plusieurs semaines dans une maison isolée que son époux, John, a louée. L'homme est médecin, attentionné, mais aussi très strict : il empêche toute sortie et tout divertissement à son épouse. « John se moque de moi, bien sûr, mais que peut-on attendre d'autre du mariage ? » (p. 21) Dans la chambre où elle dort et qu'elle ne quitte presque pas, un hideux papier peint jaune en lambeaux l'obsède. « Ce papier me regarde comme s'il avait conscience de son influence. » (p. 36) La folie s'empare rapidement de l'esprit fragile de la protagoniste : elle voit des choses dans le papier et se donne pour mission de combattre ce monstre unidimensionnel.

En peu de pages et avec une économie de mots remarquable, l'autrice dépeint la naissance de la folie avec une précision qui glace le sang. le plus terrible est d'apprendre en fin d'ouvrage que Charlotte Perkins Gilman a vécu une expérience similaire de neurasthénie, d'enfermement et d'affamement intellectuel. « Ce texte n'a pas été écrit pour rendre les gens fous, mais pour les empêcher de le devenir. Et ça a marché ! » (p. 187) Ce que l'autrice dénonce, ce sont des pratiques aliénantes, à base d'inactivité forcée, décidées et imposées par des hommes qui ne savent pas et ne cherchent pas à savoir comment mieux traiter les femmes.

La mise en page est une merveille et joue également sur les nerfs du lecteur, avec des pages blanches déstabilisantes, des décalages de lettres, des phrases hachées, et surtout ce papier peint jaune qui envahit progressivement tout l'espace, tout comme il gangrène irrémédiablement l'esprit de la narratrice. Détail qui a son importante, il faut couper les pages non massicotées pour progresser dans l'histoire. le lecteur trace ainsi activement son chemin dans le livre et le huis clos mental de l'héroïne, mais ce geste ralentit aussi la découverte de l'intrigue et entretient le suspense. le parallèle est grand entre l'action du lecteur et celle de la femme : le premier coupe le papier, la seconde l'arrache. Les deux sont aux prises avec la même matière, dans un but identique : découvrir ce qui se cache derrière le papier.

Je ne peux que saluer l'extraordinaire travail des éditions Tendance négative, maison bénévole qui a offert un superbe écrin au texte de Charlotte Perkins Gilman. de cette autrice, je vous conseille évidemment la lecture de Herland.
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