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Critique de sylviedoc


Laurence Peyrin est une auteure que je suis depuis ses débuts, j'ai lu tous ses romans à une exception près. J'aime ses personnages féminins loin des stéréotypes, souvent résilients et combatifs. Ses trames se ressemblent : en général on a une fille issue d'un milieu plutôt aisé, ou du moins d'une famille aimante, la temporalité de l'histoire se situe sur plusieurs années, voire décennies, et un événement fait basculer la vie de l'héroïne, bien sûr de façon tragique. Présenté comme ça, ça n'a pas l'air très attractif ! Mais la romancière a l'art et la manière de rendre ses personnages attachants, et de les mettre dans des contextes difficiles, mais par là même intéressants. Ce qui donne des romans addictifs qu'on lit avec avidité, tant on a envie de savoir comment "elle" va s'en sortir.
Ici, on va suivre Madeline, 17 ans, qui vit avec ses parents et sa jeune soeur Sarah dans un quartier huppé de New York, et à qui un brillant avenir est promis. Mais cet avenir va se trouver radicalement compromis le soir du réveillon, le 31 décembre 1995. Madeline a rendez-vous avec sa meilleure amie, Estrella (dont le nom signifie "étoile") chez des copains dans le quartier de Manhattan, plus précisément sa partie la plus populaire : "Hells Kitchen". Pour concrétiser leur complicité, les deux jeunes filles vont d'abord se rendre chez un tatoueur où elles ont prévu de se faire tatouer une étoile sous le sein gauche. Madeline rêve d'un futur où elles partiraient ensemble toutes les deux en mission humanitaire, ou soigner les éléphants en Afrique... Mais pendant la soirée chez Dylan, alors que les deux copines sont ensemble à la salle de bains, en une toute petite minute le monde de Madeline va basculer.

Le récit se construit sur une alternance de chapitres entre le moment du drame en 1995, et la sortie de Madeline de prison en 2016, alors qu'elle est devenue une femme de 38 ans, et qu'elle a purgé les 20 ans de sa peine pour meurtre. Je préfère ne pas en dire trop, simplement imaginez comment on peut appréhender un monde qui ne ressemble plus du tout à celui qu'on a quitté adolescente, comment on a pu se construire sans avoir jamais vécu en tant que femme en-dehors des murs de sa geôle. A 38 ans, elle n'a jamais eu à gérer le quotidien, elle n'a jamais choisi avec qui partager un repas, une sortie, elle n'a jamais aimé, depuis Estrella. Pendant ses années en prison, elle a certes passé des diplômes, travaillé, et côtoyé des criminelles de tous acabits, mais elle n'a pas eu le loisir d'expérimenter la multitude de petites choses qui constitue le sel de la vie.

On n'apprendra que dans les dernières pages ce qui s'est réellement passé dans cette salle de bains. Mais tout au long du récit, on ressent la douleur de Madeline, sa volonté de payer jusqu'au bout sa « dette » envers Estrella. Elle n'est pas la seule à souffrir, ceux qui ne sont pas en prison ont vu leurs vies bien ébranlées aussi : ses parents, sa soeur, l'ami chez lequel se déroulait la soirée, Dylan qui viendra régulièrement au parloir, et évidemment la mère d'Estrella. L'auteure leur a laissé une place suffisamment importante pour qu'on éprouve de l'empathie envers eux, même si Madeline est évidemment le pivot de l'histoire. En prison elle est devenue « Mad » (soit « la folle ») pour ses co-détenues, alors même que j'ai trouvé qu'elle s'acclimatait presque trop vite à cet environnement aux antipodes de ce qu'elle avait connu jusque-là. Parmi les co-détenues en question, certaines ont commis les pires atrocités, mais cependant les conditions dans lesquelles elles sont emprisonnées ne m'ont pas parues spécialement dures.

J'ai préféré les chapitres qui relatent l'après-sortie de prison, quand la jeune femme reprend peu à peu pied dans la société, se frotte aux relations sociales si difficiles à appréhender quand on a vécu en vase clos pendant deux décennies. J'ai aimé la façon dont Laurence Peyrin nous fait ressentir combien chaque acte qui nous paraît anodin peut être compliqué dans ce contexte particulier. Et j'ai apprécié aussi la façon dont la vision que j'avais de la mère de Madeline s'est modifiée au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture.

Ce roman n'atteint pas pour moi le niveau de certains autres écrits de l'auteure, mais il ne m'a cependant pas déçue, et je suis bien déterminée à découvrir ses prochaines parutions !
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