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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Les amours tumultueuses d'Ilja, écrivain néerlandais (double littéraire de l'auteur?) et de Clio, historienne de l'art italienne, ne sont plus.

Pour éviter de se laisser aller au désespoir et à la mélancolie, Ilja a décidé de mettre leur histoire par écrit et de l'ordre dans sa propre tête. Pour ce faire, il prend ses quartiers, pour un séjour à durée indéterminée, au Grand Hotel Europa, quelque part au coeur du Vieux continent.

Le Grand Hotel Europa, autrefois palace luxueux, est désormais une immense bâtisse à l'architecture tarabiscotée et à la splendeur défraîchie, voire délabrée. Malgré ce faste d'antan désormais patiné, le majordome Montebello (qui est au Grand Hotel ce que Mr Carson est à Downton Abbey dans la série TV) veille au grain, mettant un point d'honneur à anticiper et satisfaire le moindre désir des rares clients.

Ce charme désuet est cependant en sursis, car l'hôtel vient d'être racheté par Mr Wang, un Chinois bien décidé à en redresser le prestige et les finances en y attirant une clientèle de riches compatriotes.

Dans cette ambiance de fin d'époque, le roman alterne entre les discussions d'Ilja avec les autres clients et avec le groom Abdul, un migrant africain au parcours terrible, et le récit de sa rencontre et de sa relation mouvementée avec la flamboyante Clio. On les suit ainsi de Gênes à Abou Dhabi en passant par Venise, Malte, Skopje, Amsterdam ou Portovenere.

Ce roman raconte donc une histoire d'amour teintée d'érotisme, désormais révolue, mais il livre également de foisonnantes réflexions, notamment une petite sociologie du tourisme de masse* (le tourisme détruit ce qui l'attire), avec quelques portraits cinglants de ces hordes de touristes envahissant, par exemple, Venise et Amsterdam, et les inconvénients économiques, environnementaux et autres de ces invasions.

Il parle aussi d'une Europe à bout de souffle dont le seul attrait, la seule ressource, réside désormais dans son fastueux passé, son patrimoine de traditions et de culture. A l'image de l'hôtel racheté par un investisseur chinois, il montre un continent vieillissant, coincé dans son passé, sans avenir (hormis celui, paradoxal et hasardeux, de s'enrichir précisément en exploitant ce passé jusqu'à l'absurde), qui ne sait comment réagir face aux continents émergents et/ou bien plus entreprenants.

Il y est aussi question d'immigration, de la fausse opposition entre tourisme et voyage, de nationalisme, du Caravage, de réseaux sociaux, du besoin de faire partie d'un groupe et de s'en démarquer, de superficialité fondée sur les apparences, de compétition et de rentabilité, de bêtise humaine, d'absence de respect et de morale. L'ensemble est exposé avec une écriture classique et raffinée, de l'humour et de l'autodérision, un ton nostalgique et caustique. Malgré quelques longueurs et répétitions, ce roman est très intéressant, riche, complexe, virevoltant, et pousse à la réflexion. Ce Grand Hotel Europa mérite que l'on s'y arrête.

*A noter que ce roman a été écrit en 2018, soit avant la pandémie et l'arrêt (momentané) du tourisme de masse.

En partenariat avec Les Presses de la Cité via Netgalley.
#GrandHotelEuropa #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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